Der Chef des Wehrwirtschafts-u. Rüstungsstab Frankreich, Paris den 5 Aug. 40

Source : BA-MA RW24/15

Document aimablement communiqué par le Dr Monika Ostler et traduit de l’allemand par Jacky Robert Ehrhardt

Le Chef d’État-major de l’Économie de la Défense et de l’Équipement – France

Division de l’Économie Générale – Groupe 2 – Livre/Registre N°534/40g

Paris, le 5 août 1940

Secret

Concerne :

Rapport de situation du Chef d’État-major de l’Économie de la Défense et de l’Équipement – France à la date du 31/07/1940.

Le rapport de situation de l’état-major de l’Économie de la Défense et de l’Équipement en France à la date du 31/07/1940 est transmis aux services destinataires figurant au trieur.

Au rapport, sont annexés les rapports des Inspections d’Équipement subordonnées de Paris, A, B et C et notamment pour Paris, un rapport du 14/07/1940 et un rapport complémentaire du 29/07/1940.

Pour le Haut-commandement des armées (responsable de l’équipement des armées et commandant en chef des forces armées de remplacement), Ministère des Armées A, seront joints en plus les feuillets identifiés dans le trieur. En ce qui concerne l’Inspection d’équipement A, aucune annexe n’a pu être jointe, puisque cette Inspection n’a pas encore été incorporée au schéma de distribution de ces annexes.

(NdT : Chef H Rüst u BdE pour : responsable de l’équipement des armées et commandant en chef des forces armées de remplacement ; WA pour WehrmachtAmt : Ministère des Armées A)

Destinataire : le Chef d’État-major de l’Économie de la Défense et de l’Équipement – France

Section Économie – Groupe 2 – Livre/Registre N°534/40geh (NdT : geh pour geheim : secret)

Secret

1) Recherche d’informations et détection d’entreprises

La recherche d’informations sur les entreprises n’a pu être menée au sein de l’État-major de l’Économie de la Défense et de l’Équipement en France, que par l’Inspection de Paris jusqu’à mi-juillet ; les autres Inspections n’ont commencé leurs travaux qu’après leur création.

Les recherches entreprises par les différentes Inspections figurent dans des rapports particuliers et individuels.

Le rapport de l’Inspection de Paris concerne toutes les entreprises qui occupent plus de 1.000 salariés et toutes les entreprises qui pourraient être concernées par le travail pour l’aviation, le secteur des véhicules de combat de l’armée, des fabrications spéciales pour la marine (ex. équipements optiques et de transmissions), les besoins du responsable en chef des transports (NdT : GBK pour Generalbevollmächtigter für das Kraftfahrwesen : Directeur général pour le génie automobile), les besoins du chargé spécial des moyens techniques des communications, les besoins en réparation du haut Quartier Général des armées à Paris ainsi que les entreprises produisant des machines-outils.

Par ailleurs, des recherches particulières ont porté sur l’existence d’entreprises pouvant construire des machines-outils lourdes (tours,…) pour la marine ainsi que des équipements spéciaux pour l’aviation. De même, des investigations particulières ont été menées concernant des presses, des fonderies d’acier et des entreprises d’optique et d’électrotechnique.

Par une commande spéciale, des investigations ont été menées dans le secteur de la construction et de la réparation de locomotives.

Des documents saisis au Ministère de l’Armement (NdT : en français dans le texte) ont été mis en lieu sûr.

Certaines difficultés se sont manifestées au cours de nos efforts pour tenter d’associer l’industrie française à la construction et à la réparation de matériels de guerre, en particulier chez Renault.

Le directeur commercial Grand-Jean [1], qui agit en cela sur instruction du directeur général Pierre-Cave, membre de la Commission d’Armistice [2], exerça une résistance passive et souligna qu’une loi française, qui interdirait toute production de matériel de guerre, était en préparation

La direction de Renault se déclare néanmoins disposée à rassembler dans un document la liste de ses sous-traitants ; en revanche, elle ne communiquera cette liste que sur instruction du gouvernement français.

L’entreprise Panhard-Levassor tient le même raisonnement.

L’entreprise Hotchkiss et l’entreprise Somua, faisant partie du groupe Schneider, se montrent plus coopératives.

Les négociations avec Boyer d’Hotchkiss n’ont pu aboutir qu’après l’élimination d’obstacles notables d’ordre psychologique et politique émanant du président, et après que Boyer a été rassuré suite à un entretien avec l’ambassadeur Noël qui lui-même se serait entretenu de la question avec le maréchal Pétain.

Ces deux entreprises ont également manifesté quelques résistances, de temps à autres, probablement en raison du comportement des entreprises Renault et Panhard-Levassor.

Les réticences des dirigeants d’entreprises français pour exécuter les contrats allemands de réparation de matériels de guerre français ne sont pas justifiées.

La demande allemande se base sur l’article 3 de la Convention d’armistice en relation avec les explications authentiques de la Commission d’Armistice et de plus, elle n’est pas en contradiction avec l’article 52 de la Conférence de La Haye qui lui interdit seulement l’enrôlement de français dans le but de leur faire exécuter des actes militaires contre la France.

La loi d’interdiction du gouvernement français de fabriquer du matériel de guerre ne concerne pas les territoires occupés et ne peut pas, en application de la Convention d’armistice, être considérée comme une contre-mesure aux dispositions allemandes.

La réglementation sur la gestion de l’économie tout comme la réglementation sur la gestion des entreprises offrent la possibilité de punir les dirigeants d’entreprises récalcitrants et, sans préjudice d’autres mesures, n’excluent pas que l’on puisse les remplacer par des administrateurs.

Cette règle de droit a été communiquée aux Inspections nouvellement créées afin qu’elles puissent imposer les exigences de la Wehrmacht.

Sur ce, l’entreprise Panhard-Levassor s’est apparemment déclarée d’accord avec les instances françaises compétentes en matière de véhicules de combat, tandis que l’entreprise Renault, prétendument sur le conseil de l’ambassadeur Noël, se comporte toujours aussi passivement ; il appartiendra désormais aux autorités militaires en France de rendre l’ambassadeur attentif aux droits de l’administration allemande et aux conséquences de la poursuite de cette attitude de résistance.

Les rapports des Inspections d’équipements font état d’attribution de contrats.

Le groupe Schneider-Creusot, l’un des plus importants groupes économiques français avec Renault, sera, avec ses trois usines – Le Creusot, Du Breuil et Henry Paul -, conformément à une décision spéciale du Führer, Commandant suprême de la Wehrmacht, administré sous surveillance allemande en tant qu’atelier de réparation et en tant que sous-traitant pour les usines d’équipements allemandes.

En conformité avec les instructions, un professionnel de la gestion technique générale des usines, issu de Rheinmetall-Borsig, et un général en tant qu’observateur industriel du Ministère des Armées A, ont été mis en place.

Le suivi sera assuré par le Haut commandement de la Wehrmacht – État-major de l’Économie de la Défense et de l’Équipement avec l’accord du Ministère de l’Économie du Reich.

Les industries, y compris les usines de Schneider du Havre et de ses alentours, précédemment nationalisées en 1937, ont été contactées individuellement.

A ce jour, entres autres, un marché pour la livraison de cinquante locomotives a été attribué.

Destinataire : Chef d’État-major de l’Économie de la Défense et de l’Équipement – France

Division de l’Économie Générale – Groupe 2 – Livre/Registre N°534/40geh (NdT: geh pour geheim : secret)

Secret

2 c) Problèmes de circulation

Un problème important et spécial concerne les transports d’évacuation de marchandises.

Sur la circonscription de chacune des Inspections sont stationnés des trains entiers, remplis de matériels, d’équipements et de matières premières, vitaux d’un point de vue économique, sont immobilisés et ne peuvent circuler, et qui, de plus, encombrent les gares et les rails rendant un désengagement obligatoire.

Ces difficultés sont pour le moment à mettre sur le compte de mouvements de troupes et d’autres transports (moisson, denrées alimentaires, prisonniers, réfugiés, chevaux réquisitionnés, etc.) qui ont sévèrement mis à contribution les réseaux du rail.

Pour le moment, il n’est pas envisageable d’utiliser les voies navigables à cause des destructions de ponts, de bateaux et d’autres dommages.

Les opérations de transport devront être réalisées, de façon plus importante qu’à l’heure actuelle, par le rail en raison de la défaillance des transports par voie navigable et par la route.

La remise en route des transports par rail est soumise à d’importantes difficultés en raison du manque de personnel, du transport de véhicules et de la destruction de gares, de tronçons de rails et de ponts.

Des détails sur cette remise en route sont fournis dans les rapports des Inspections.

Le parcours de la ligne Paris – Berlin, passant par Bruxelles, peut être réalisé en 35 heures.

Indépendamment du fait qu’il y a de nombreux véhicules particuliers, le trafic parisien est résorbé par le métro ; dans les autres villes il est majoritairement pris en charge par les lignes de trams. Les lignes de bus ne sont ouvertes que dans quelques rares villes et ne concernent que les liaisons extra urbaines, ce qui n’est pas le cas à Paris.

Un soulagement du rail par la route n’est que difficilement envisageable. L’état des routes permettrait probablement ce transfert, cependant les carburants font défaut. Une information du ministre français de la production et du travail fait état d’une disponibilité des stocks français limitée à 240.000 tonnes alors que la consommation mensuelle d’avant-guerre se situait à 200.000 tonnes.

Ces quantités sont destinées prioritairement aux travaux agricoles, aux transports en commun et pour les besoins spéciaux, de telle sorte qu’il ne reste pas grand-chose pour le transport civil.

L’attention du gouvernement français se porte actuellement sur la récupération des 830.000 tonnes disponibles dans les ports de la Méditerranée, sur l’importation de nouvelles quantités et sur le reconditionnement des véhicules vers d’autres types de carburants.

Même si, en raison de cette pénurie de carburants, il ne subsiste que des quantités limitées pour les nouveaux véhicules, un grand intérêt se porte sur la relance de l’industrie automobile dans la mesure où la motorisation avancée de la France revêt une importance particulière. Les nouvelles constructions doivent en premier lieu être destinées à l’économie française. L’Inspection de Paris signale que la plupart des entreprises de véhicules et leurs équipementiers ont repris leurs productions.

Des grandes usines, seule l’entreprise juive Latil est fermée. Citroën et Renault ont bénéficié de commandes françaises de 1.000 camions pour chacune d’entre elles.

Les usines Renault emploient, en temps réduit, quelques 12.000 ouvriers au lieu des 33.000 précédemment, et Citroën, à mi-temps, a peu près un quart du personnel qu’elle occupait habituellement.

Les grandes firmes automobiles s’emploient à sortir des modèles de véhicules fonctionnant à l’alcool, au gaz ou au gazogène.

Ces travaux leur demanderont de un à deux mois.

[1]. Il s’agit d’Albert Grandjean, du département commercial des usines Renault, qui parlait couramment l’allemand.

[2]. René de Peyrecave, administrateur de la société anonyme des usines Renault, futur P-DG de l’entreprise. NdT

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