Louis Renault ne bénéficiera pas de la réhabilitation judiciaire que ses héritiers ont tenté d’obtenir, près de soixante-dix ans après la mort du fondateur de la firme au losange, en demandant réparation pour la nationalisation-sanction de l’entreprise, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Aphasique, miné par des crises d’urémie, malade mentalement, ce patron de choc, bien qu’il ne soit plus à cette époque que l’ombre de lui-même, fut particulièrement visé par la CGT de l’après-guerre, qui en avait fait le symbole du patronat collaborationniste. Aujourd’hui, l’intensité de son engagement auprès de l’occupant est discutée, mais ce chef d’entreprise au tempérament ombrageux et aux formidables colères a sans doute aussi payé ses méthodes autoritaristes et son mauvais entourage. Sa seconde femme, Christiane, belle et mondaine fille d’un notaire, affichait ouvertement ses sympathies d’extrême droite. Elle vécut une passion tumultueuse avec Drieu La Rochelle, qui en fit l’héroïne de son roman « Beloukia ». Un peu injustement, on porta aussi au débit de l’industriel ses trois rencontres avec Hitler, qui toutes s’étaient faites dans le cadre de Salons de l’auto dans le Berlin des années 1930. Du coup, on en a oublié les talents d’innovateur de ce fou de mécanique, qui créa sa première « voiturette » en 1898, à l’âge de vingt et un ans, et conçut encore, en pleine guerre, et malgré son état d’épuisement, ce qui allait devenir la 4CV. C’est cet héritage-là qu’il vaudrait mieux revendiquer (lire page 20).
Voir Caricature de Louis Renault © Morchoisne pour Les Echos