Affaire Renault. Le tribunal se déclare incompétent
Hier, le tribunal de grande instance de Paris s’est déclaré incompétent pour recevoir la plainte des héritiers de Louis Renault, qui contestent la nationalisation de 1945. La défense va faire appel.
La campagne de réhabilitation, lancée par les héritiers du constructeur automobile Louis Renault, a connu son premier épisode judiciaire, hier. Saisi d’une plainte contre l’État, le tribunal de grande instance de Paris s’est déclaré incompétent en invitant les plaignants «à mieux se pourvoir », autrement dit à choisir la voie d’une juridiction administrative. La défense, déboutée, va faire appel, considérant que l’ordonnance de 1945 nationalisant les usines Renault constitue «une voie de fait» dont peut se saisir une juridiction de l’ordre judiciaire.
Valeur législative ou acte administratif ?
La différence d’appréciation entre les juges et la défense porte sur la nature de l’ordonnance prise en 1945 par le gouvernement provisoire du général de Gaulle. Pour les héritiers du constructeur, il ne s’agit que d’un acte administratif qui n’a jamais été ratifié par l’Assemblée nationale et constitue une voie de fait. Selon eux, s’il s’agit d’une nationalisation, elle aurait dû donner lieu à indemnisation ; s’il s’agit d’une confiscation, elle devait résulter d’une décision de justice. Le tribunal de Paris considère, au contraire, que le conseil d’État, en 1961, a rendu un arrêt stipulant que l’ordonnance de 1945 a «valeur législative» et qu’en conséquence, elle ne peut être remise en cause devant une juridiction de l’ordre judiciaire.
«Une longue procédure»
Selon l’avocat de la défense, MeSchrameck, le Conseil d’État n’avait d’autre alternative, en 1961, que de donner «valeur législative» à l’ordonnance de 1945, «qui s’était autoproclamée législative». Depuis lors, la révision constitutionnelle de 2010 instituant la Question préalable de constitutionnalité a ouvert une voie, qui, selon lui, relativise la portée de l’arrêt du Conseil d’État de 1961 et ouvre la possibilité de contester la nature de l’ordonnance de 1945, y compris devant une juridiction de l’ordre judicaire. C’est sur ce fondement que la défense va faire appel, en se réservant la possibilité ultérieure de choisir la voie d’une juridiction administrative. «On savait, dès le départ, qu’on s’engageait dans une longue procédure, sur plusieurs années », indiquait, hier, MeSchrameck. De son côté, la Crozonnaise Hélène Renault-Dingli, qui mène cette campagne de réhabilitation très médiatisée par les polémiques qu’elle suscite, se disait sereine : «Ce premier jugement ne porte que sur la compétence du tribunal. Nous allons utiliser toutes les voies de recours pour que notre action aboutisse un jour.»
- René Perez