Rapport médical du docteur Paul, Paris, le 28 octobre 1944

Source : A.N. Z 6NL 9

Tribunal de première instance du département de la Seine

Je soussigné Docteur Paul, Médecin-Expert près le Tribunal de la Seine, Médecin du Ministère de la Justice, Médecin légiste de l’Université de Paris, demeurant à Paris 52 bis rue de Varenne, commis par M. Martin… en vertu d’une ordonnance en date du 24 octobre 1944 (…)

Nous nous sommes rendus dans la nuit du 24 au 25 octobre, à la Maison de Santé des Frères de Saint-Jean-de-Dieu, où nous avons trouvé Monsieur Renault fils ; qui nous a conduit à la chambre mortuaire, où son père avait été placé après embaumement, Monsieur Renault étant décédé, d’après ses déclarations, au début de la matinée du 24 octobre (…)

Discussion

Monsieur Renault a été examiné par nous en collaboration avec nos collègues Heuyer et Piedelièvre, sur ordonnance de Monsieur le Juge d’Instruction Martin, en date du 23 septembre 1944, et dans un rapport en date du 27 septembre nous avions conclu que Monsieur Renault présentait une aphasie sensorielle avec apraxie et agnosie pouvant laisser suspecter un début de démence sénile vraisemblablement à forme de maladie d’Alzheimer ; que son état était incompatible avec son maintien en détention et qu’il était nécessaire qu’il soit placé dans un hôpital psychiatrique pour qu’il y soit mis en observation et que soit précisée la mesure qui devra être prise à son égard.

Monsieur Renault fut placé à la maison de Ville Evrard, et les docteurs Abely, Genil-Perrin et Heuyer furent désignés pour l’examiner.

L’un d’eux (Docteur Abely) fut désigné d’urgence, le 12 octobre, afin de reconnaître l’état où se trouvait M. Louis Renault, de s’expliquer sur l’indisposition dont il aurait été victime récemment, de dire quel est cet état et s’il nécessitait une modification dans les mesures de garde ou de soin dont il est actuellement l’objet.

Notre confrère se rendait d’urgence à la Maison de Ville Evrard et recevait une note du Professeur Marion, déclarant que M. Louis Renault avait depuis longtemps des troubles d’origine prostatique, d’abord intermittents, puis continus, qu’il y a 6 semaines il avait été appelé à le voir pour ces troubles ; qu’actuellement il urinait du sang et aurait une grande difficulté à évacuer son urine ; qu’il serait utile, même indispensable, de le faire entrer dans une maison de santé comme celle des Frères de Saint-Jean-de-Dieu où il pourrait le suivre et faire le nécessaire pour parer aux accidents qu’il présente ; qu’actuellement c’est une sonde à demeure qui semble indiquée pour arrêter son hématurie.

Le docteur Abely, après examen, concluait que : « l’état actuel de M. Louis Renault ne motive pas son départ de la maison de santé où il réside. Des mesures complémentaires de garde médicale de nuit ont été adoptées. Il sera sous la surveillance technique d’un infirmier, lequel peut aussitôt prévenir, en cas de besoin, l’interne de garde qui réside obligatoirement dans l’établissement ».

Les docteurs Michon et Perard, experts près le Tribunal de la Seine, spécialistes en urologie, furent commis et dans un rapport en date du 17 octobre 1944 ont conclu :

« M. Louis Renault est dans un état très grave ; sa vie est immédiatement en danger. Il s’agit très vraisemblablement d’un pyélonéphrite au stade ultime chez un malade présentant de longue date des troubles prostatiques pour lesquels il était soigné par le Professeur Marion et le docteur Marion.

« Son maintien en maison de santé chirurgicale sous surveillance d’un chirurgien urologue est absolument indispensable »

Par la suite M. Louis Renault fut examiné par le docteur Alajouanine, qui fut appelé à lui donner des soins jusqu’au moment de son décès, et qui nous a déclaré qu’il avait été atteint d’une atrophie cérébrale progressive d’origine vasculaire ayant entraîné un coma avec double signe de Babinski, et que la mort était la suite et la conséquence de ces manifestations cérébrales d’origine vasculaire.

Etant donné les examens multiples dont M. Louis Renault a été l’objet de la part de nos collègues Heuyer, Piedelièvre, Genil-Perrin, Abely, Perard, Michon et nous-même, les consultations demandées au Professeur Marion et au docteur Alajouanine on peut établir les causes de la mort sans discussion possible, et ont peut estimer que M. Louis Renault a succombé à des complications cérébrales d’origine vasculaire (…)

Paris, le 28 octobre

Paul

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