AFP du 8 mars 2011, par Christine Bertrand-Nielsen

Louis Renault: ses héritiers veulent le réhabiliter au grand dam d’anciens syndicalistes

PARIS, 8 mars 2011 (AFP) – Les petits-enfants du constructeur automobile Louis Renault appellent de leurs voeux un débat pour réhabiliter la mémoire de leur grand-père, arrêté en septembre 1944 pour collaboration et dont les usines ont été nationalisées par le général de Gaulle, un projet que dénoncent d’anciens syndicalistes de l’entreprise.

Une photo de l’exposition permanente du centre de mémoire d’Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne) leur en a donné l’occasion. Elle montre Louis Renault entouré d’Adolf Hitler et de Hermann Göring au salon de l’auto de Berlin en 1939, avec une légende dénonçant la collaboration de l’entreprise française avec l’Allemagne nazie.

“Cela fait onze ans que des centaines de milliers de gens défilent devant cette photo en associant mon grand-père à cette barbarie (la destruction d’Oradour-sur-Glane) et ce n’est pas tolérable, c’est pour cela que la moindre des choses serait qu’il ait un débat. Je l’attends de tous mes voeux”, a expliqué à l’AFP Hélène Renault.

Les héritiers ont saisi la cour d’appel de Limoges qui a condamné en juillet 2010 le Centre de mémoire d’Oradour-sur-Glane à retirer la photo de l’exposition.

La justice leur a donné raison, d’abord parce que la photo qui devait illustrer l’occupation (ayant débuté en 1940) a été prise avant et ensuite parce que la légende imputait à Louis Renault “une inexacte activité de fabrication de chars” pendant la guerre.

Certains historiens ne sont pas d’accord sur ce dernier point. Selon Annie Lacroix-Riz, professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris VII, “camions, tanks, moteurs d’avions, avions, bombes incendiaires, canons anti-chars, toutes les pièces possibles de l’armement furent construites par Renault pour le Reich”.

“Ce sont des faits établis de manière formelle”, a-t-elle ajouté s’appuyant sur “une surabondance de documentation” établissant la collaboration de Louis Renault. Pour elle, “la justice a fait une incursion illégitime dans un domaine qui n’est pas le sien”.

Elle explique que le fondateur des usines Renault a financé les ligues fascistes (Croix de Feu du colonel de la Rocque). Louis Renault a prôné également l’entente franco-allemande. Dès le printemps 1941, des services de renseignement gaullistes ont demandé le bombardement des usines pour paralyser l’appareil de guerre allemand. Ce qui a été fait à deux reprises en 1942 et en 1943

De son côté, la Ligue des droits de l’homme estime que “la décision de la cour de Limoges est d’autant plus choquante qu’elle est révélatrice d’une tendance actuelle à chercher à passer sous silence ou à minimiser les responsabilités des collaborateurs français des nazis durant l’Occupation”.

Une idée également partagée par d’anciens syndicalistes des usines Renault pour qui le but de cette action en justice est effectivement de remettre en cause le passé collaborationniste de Louis Renault afin de revenir sur la nationalisation.

“On sait qu’en 1967, les héritiers ont déjà obtenu des indemnisations. S’ils arrivent à leur fins, cela peut coûter au contribuable français plusieurs centaines de millions d’euros, et cela peut en encourager bien d’autres”, déplore Sylvain Roger, ancien responsable CGT chez Renault.

Louis Renault est mort à la prison de Fresnes le 24 octobre 1944, sans avoir pu être jugé. Quatre mois après sa mort, le 1er janvier 1945, une ordonnance du gouvernement provisoire de la République française présidé par le général de Gaulle nationalise les usines.

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