Jean-Michel Thévenin est l’invité de Maximilien Choussi dans l’émission Propos d’atelier sur Radio-Courtoisie pour parler de son livre, “Louis Renault et Chausey”.
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Le Figaro, “Renault chez les Normands”, par Valérie Lejeune, 9 août 2013
Louis Renault et Chausey de Jean-Michel Thévenin, Aquarelles, 270 p.
C’est par une métaphore sur l’impatience, trait dominant du caractère de Louis Renault, que Jean-Michel Thévenin débute le très original ouvrage qu’il consacre au géant de l’automobile et à sa passion pour les îles Chausey. On connaît l’extraordinaire inventeur mais on sait moins comment, amoureux de ce petit archipel du Cotentin, il en devint, pour certains, son bienfaiteur. Débarqué à Chausey un jour d’été de 1920, le célèbre industriel y lassera, aux creux des chemins ombragés, un souvenir qui perdure. L’ouvrage abondamment illustré de photos de l’époque, montre comment Renault restaura magnifiquement et en à peine un an (ce qui, même aujourd’hui, est une gageure) le fort du XVIème siècle où il fit sa maison, gratifia l’église d’un clocher, le village des Blainvillais de toiture, et les habitants d’une campagne de vaccination. Il montre aussi l’itinéraire d’un homme plus économe que les Normands eux-mêmes et qui, sa vie durant, s’échina à appliquer, avec des bonheurs divers, son génie de la mécanique aux bateaux qu’il adorait et dont il peupla l’archipel.
Ouest-France, “Chausey, passion de l’industriel Louis Renault”, par Jean-René Rivoal, mercredi 30 octobre 2013
Jean-Michel Thévenin présentera son livre Louis Renault et Chausey, sorti en juillet, ce mercredi au forum Jules-Ferry. L’auteur répondra aux questions du public et dédicacera son ouvrage.
Entretien
Jean-Michel Thévenin, auteur d’un second livre consacré à l’archipel normand où il a grandi
Pourquoi parler de Chausey à travers Louis Renault ?
Je me suis lancé dans un créneau qui n’avait pas encore été exploité par les nombreuses publications sur Chausey. Il y avait un trou dans la période 1920-1945 et c’est celle passée à Chausey par l’homme internationalement connu, créateur de l’entreprise multinationale.. Louis Renault y est arrivé l’été 1920 à l’instigation de son épouse qui passait ses vacances à Dinard et connaissait Chausey depuis son enfance. Il est aussitôt tombé sous le charme et a cherché à acheter ou à louer. Il n’y avait pas de maison assez grande pour lui. Il lui a alors été proposé par Marin Marie, le peintre navigateur, de restaurer la vieille forteresse construite en 1550 sous Henri III, reconstruite et redémolie plusieurs fois. En 1920, ce n’était plus que quatre morceaux de murs branlants.
Comment s’est passée la reconstruction du Vieux Fort ?
La restauration du château est un peu l’objet du livre que je démarre en présentant la carrière de l’industriel. Il a fallu mettre des moyens considérables en oeuvre pour réaliser cette performance. Cette reconstruction a été très rapide, le premier coup de pioche a été donné en janvier 1923 et à Pâques 1924, le château était habité, chauffé et éclairé. Il a fallu un peu moins de 14 mois pour finaliser cette gigantesque restauration, ce qui est une performance pour l’époque. Il n’y avait alors ni eau courante, ni électricité, ni moyens mécaniques. Il a tout emmené sur place. Il a loué à la SNCF deux wagons de chemins de fer qui arrivaient de Paris à Granville, toute la durée des travaux. Un chantier de grande ampleur : 200 ouvriers y participent, 27 millions d’anciens francs sont dépensés, 85.000 carreaux de grès et 44.000 tonnes de pierres de granit de Chausey sont nécesaires.
Y a-t-il eu des difficultés particulières ?
Le matériel qui arrivait par bateau devait ensuite être transporté au port puis chargé sur les bateaux. Ils partaient à mer haute de Granville et arrivaient à mer basse à Chausey. Il fallait alors attendre la nouvelle mer haute du soir pour pouvoir débarquer le matériel à la cale. Tout était ensuite transporté par tombereaux, tirés par des chevaux. Le bâtiment a été le premier éclairé de Chausey, grâce à un système à partir de moteur Renault. L’eau courante, chaude de surcroît, a été installée ainsi que le téléphone et le télégraphe. Il a aussi fait mettre un système de radio relié au sémaphore.
Comment se déroulait sa vie à Chausey ?
Il y venait quinze jours chaque année en août et plusieurs week-ends jusqu’en 1939. Il parvient à revenir deux fois durant la guerre, en 1942 et 1943. Son épouse était une grande mondaine, il y avait de nombreuses réceptions à chacune de leur venue. Lui, n’aimait pas beaucoup cela et préférait pour ses loisirs, le sport ou la pêche. Il aimait les bateaux mais était mauvais marin. Il en possédait deux pour lesquels il avait fait construire un hangar sur place et avait toute une flotte de petits bateaux. Mon grand-père installé à Chausey, était le chef de la flotte de pêche de Renault. Il était aussi un des premiers personnages à rencontrer Louis Renault sur l’île en 1920.
Jean-René RIVOAL
Valeurs actuelles, “Chausey, l’autre île de Renault, par Marie Clément-Charon, 29 janvier 2015
Chausey. Le nom du constructeur automobile est associé à l’île Seguin et à Billancourt. Mais dans les années 1920, Louis Renault s’est épris de l’archipel normand, où il a laissé sa marque. Un livre étonnant retrace cette page d’histoire locale.
Chausey : le bout du monde à une quinzaine de kilomètres au large de la côte ouest de la Manche. Comme les pièces d’un puzzle de granit éparpillées en mer, le plus grand archipel d’Europe compte, dit-on, 52 îles à marée haute et 365 à marée basse. Deux fois par jour, un monde englouti surgit des eaux, 70 kilomètres carrés de sable et de récifs. Son granit, exploité jusqu’au XIXe siècle, a servi à construire l’abbatiale du Mont-Saint- Michel, les quais des cités corsaires rivales, Granville et Saint-Malo, ou certains trottoirs de Paris et de Londres.
Jean-Michel Thévenin est né sur la Grande Île, où il a vécu jusqu’à l’âge de 7 ans. Sa peau tannée, ses cheveux décolorés par le soleil et ses mains puissantes racontent dix années de pêche à bord du bateau de son père, avant une vie de foreur sur les platesformes pétrolières au large de l’Afrique, en Amérique du Sud ou à Bornéo. Historien amateur, il est dépositaire d’une partie de la mémoire de l’île. Sa maison de famille est située juste en face d’une grande bâtisse que les Chausiais n’appellent que “Château Renault”. Le touriste qui passe ne fait pas le rapprochement avec le constructeur automobile. C’est pourtant là que l’industriel a établi sa villégiature, en relevant les ruines de la forteresse édifiée par les seigneurs de Matignon au XVIe siècle pour contrer les invasions anglaises.
Trois hivers durant, Jean-Michel Thévenin a en quelque sorte vécu en compagnie de Louis Renault, épluchant les 40 cartons d’archives privées conservés au château. « J’ai voulu raconter l’histoire de ce lieu, et faire le portrait de l’homme qui venait ici, explique-t-il. Mon grand-père, Almire Thévenin, était son marin attitré. »
C’est l’histoire d’une possession, sans que l’on sache très bien lequel possédait l’autre. Louis Renault, venant de Dinard en croisière avec sa jeune épouse, tombe sous le charme de cette nature sauvage où la ronce le dispute à l’ajonc. « Il a tout de suite voulu s’installer ici, y acheter ou faire construire quelque chose, dit Thévenin. Il a présenté le projet d’un gigantesque manoir gothique aux actionnaires de la SCI propriétaire de l’île, qui l’ont bien sûr refusé. » Craignant toutefois la puissance financière et les relations du capitaine d’industrie, ils lui proposent les ruines du Vieux Fort, détruit en 1744.
Louis Renault va alors se lancer dans un chantier titanesque, dépensant sans compter pour réaliser son rêve. Thévenin fait revivre un personnage singulier, pétri de contradictions. Un génie de la mécanique, boulimique de travail, qui arpente l’île au pas de course, menant ses projets avec un leitmotiv : “Il faut que ça avance !”. Un grand bourgeois mal à l’aise en société venant se perdre dans la lande battue par les vents, plongeant dans l’eau glacée. Impitoyable avec les entrepreneurs mais dotant chaque maison d’une cuisinière à charbon et de combustible pour obtenir que cesse l’abattage des arbres. Passionné de bateaux mais piètre marin.
« Grâce à sa manie des listes, ses inventaires et les rapports qu’il demandait, j’ai pu tout reconstituer », détaille Jean-Michel Thévenin. Son livre fourmille d’anecdotes vécues. Enfant, il était chargé par Christiane Renault, veuve de l’industriel, d’apporter le lait au château, où il côtoyait les domestiques. Il a aussi interrogé les derniers témoins de l’époque : le peintre Marin-Marie, fils de l’un des fondateurs de la SCI, lui a raconté comment, jeune homme, il avait été chargé de proposer à Louis Renault d’acquérir les ruines.
Usé par la maladie, accusé de coopération économique, l’homme est mort en prison à la Libération. Son entreprise, nationalisée après la guerre, est connue dans le monde entier. Le château a changé de mains à la fin des années 1970, mais le rêve de pierre de l’industriel est toujours là, bravant les tempêtes d’ouest, tournant le dos à l’unique route de la Grande Île, qui n’a jamais vu passer la moindre automobile.
Louis Renault et Chausey, de Jean-Michel Thévenin, Éditions Aquarelles, 168 pages, 35 €. Rens. : 06.83.56.76.55 et www.editions aquarelles.com
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