Les usines Renault à la France
LOUIS RENAULT EST MORT. L’action de la justice est éteinte. La Cour de justice ne sera pas saisie du cas Louis Renault, collaborateur des nazis et traître à la France. Mais il y a toujours une affaire Renault.
Les usines Renault sont sous séquestre. Elles seraient restées sous séquestre jusqu’au jugement du seigneur de Billancourt. Comme il est à supposer que Louis Renault aurait été condamné, ses biens se seraient trouvés confisqués au profit de l’Etat. Mais Louis Renault est mort dans son lit. Sa succession est ouverte ; ses héritiers font valoir leurs droits, réclament la mainlevée du séquestre.
Quels héritiers ? Par sa femme, Louis Renault était allié à la famille Boullaire. Roger Boullaire était son représentant dans toutes les filiales de la société Renault : la « Société des moteurs Renault pour l’aviation », la « Société pièces, réparations, accessoires Renault », la « Société des transports automobiles industriels et commerciaux », la « Société des avions Caudron » et la « Société des aciers fins de l’Est ».
Voilà d’un seul coup le trust Renault remis d’aplomb, plus puissant que jamais. Louis Renault est mort, vive M. Roger Boullaire !
Eh bien ! non ! Cela est impossible, la France ne peut pas le tolérer.
Quelle que soit l’étonnante carrière de cet habile capitaine d’industrie, débutant en 1897 avec un petit atelier de boulons, pour aboutir à l’usine géante de Billancourt, on ne peut considérer l’énorme fortune accumulée par Louis Renault pendant ces quarante-sept années autrement que comme le produit d’une spoliation capitaliste poussée à son degré le plus parfait.
Mais l’heure est enfin venue où la France brise toutes ses chaînes ; où la collectivité reprend ses droits, récupère ses biens ; l’heure est enfin venue où la France marche vers de nouveau destins et s’engage hardiment dans des voies nouvelles.
En posant parmi ses premières revendications le retour à la nation des grands moyens de production monopolisés, fruit du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des banques et des compagnies d’assurances, la charte de la Résistance a défini un programme de grandes réformes sociales dont la France exige la réalisation.
Le gouvernement ne peut pas méconnaître cette volonté profonde du pays ; il doit lui donner une satisfaction immédiate. L’usine Renault a trop longtemps travaillé contre la France. Il faut maintenant qu’elle serve la France.
Une simple ordonnance suffit : « Article unique… La Société Renault est acquise, sans aucune indemnité, à la nation ». Et ce sera justice.