Quand France 3 collabore à la réhabilitation de Renault
Mercredi soir, l’émission Histoire immédiate a offert une tribune de premier choix aux héritiers de l’industriel collabo.
Mercredi soir, en regardant France 3, on a pleuré dans les chaumières. Non pas de tristesse à l’écoute de la petite fille de Louis Renault, qui a tenté de réhabiliter son grand-père au lourd passé collaborationniste. Mais de colère de voir une chaîne du service public se prêter à la vaste entreprise de réécriture de l’histoire menée par voies médiatique et judiciaire par les ayants droit de Louis Renault, avec dédommagements sonnants et trébuchants escomptés. On peut se tromper une fois. Mais quand il s’agit de la troisième invitation du genre depuis janvier sur France Télévisions, on n’est plus très loin du plan de communication.D’autant plus quand on étudie les personnes invitées sur le plateau de l’émission Histoire immédiate. Là encore, c’était à pleurer. Au côté de deux éminents historiens qui ont passé leur temps à répliquer : « On n’a pas tous les éléments suffisants pour répondre » ou « La question paraît simple mais la réponse est très compliquée », Hélène Renault-Dingli, petite-fille de Louis, et Laurent Dingli, mari de celle-ci et historien forcément objectif car « astreint à avoir plus… enfin, autant de rigueur que les autres historiens », jouaient sur du velours. La première trouve que, « à la relecture de l’histoire », les faits de collaboration reprochés à son grand-père « sont plus nuancés que ce que l’on a voulu dire depuis des années ». Le second s’emporte lorsque l’on oppose l’attitude de Jean-Pierre Peugeot à celle de Louis Renault : « Sans limiter les mérites de la famille Peugeot, il faut juste rappeler que Peugeot était pétainiste militant et qu’il est entré en résistance qu’en 1943. »
Face à ce duo donc, aucun débatteur contradictoire. Et surtout pas l’historienne spécialiste de la collaboration économique Annie Lacroix-Riz, qui a mis notamment en lumière que « l’orientation de Renault, dès 1933, vers la nécessité d’entrer dans un cartel essentiellement franco-allemand », qui l’a conduit « dans la collaboration de long terme ». On a juste eu le droit à un présentateur sirupeux avec la petite fille Renault (« Vous avez souffert pendant votre enfance ? », « Qu’est-ce qui explique un tel acharnement ? ») qui affirme, au détour d’une question, « qu’on pourrait imaginer qu’un non-lieu pourrait être rendu » si procès de Louis Renault il y avait. Désastreux.
Stéphane Guérard
Lien vers l’article de L’Humanité