Les jours passent…
De Louis Renault à Ettore Bugatti
Lorsque le Président de la République, lors de sa visite au Salon, s’arrêta au stand de Bugatti, il félicita textuellement le constructeur de Molsheim en ces termes : « Bravo ! Monsieur Bugatti, vous avez encore vaillamment défendu nos couleurs cette année ; de plus, vous n’avez pas hésité à envoyer vos voitures au Grand Prix d’Amérique, c’est fort bien et je vous en remercie » Puis, le chef de l’Etat, décidemment très averti, ajouta : « On va finir par croire, Monsieur Bugatti, que vous êtes subventionné par le gouvernement ».
C’est alors que le baron Petiet, président de la Chambre syndicale de l’Automobile, qui accompagnait le chef de l’Etat dans sa visite, intervint fort habilement :
– C’est bien dommage, monsieur le Président, qu’on ne puisse que le croire ; ne ferait-on pas mieux d’aider monsieur Bugatti à seule fin de permettre à la France de reprendre sa place dans les courses d’automobiles ?
Tout ceci s’est passé, ou plutôt s’est dit en quatre minutes exactement, puis le cortège officiel s’en est allé vers d’autres stands et le président de la République, de retour à l’Elysée, oubliera M. Bugatti jusqu’au Salon de 1937.
A l’encontre des constructeurs étrangers subventionnés copieusement pour la course, Bugatti comme Renault en aviation, seul avec ses propres moyens et à ses seuls risques, va de l’avant.
Il a, on le sait, glané cette année toutes les victoires françaises, entretenant à grands frais un dévorant bureau d’études et le plus brillant « team » de coureurs.
Cette bagatelle a grevé son budget de trois millions, quatre peut-être. C’est lourd par les temps que nous traversons, mais il a réussi : c’était son but.
Cet homme étonnant, jusqu’à son dernier souffle, produira, perfectionnera, faisant d’un quelconque écrou une pièce précieuse.
Bugatti aime de toute sa foi la mécanique. Il aime plus profondément la France, sa terre d’adoption qui s’enorgueillit de l’avoir accueilli.
Ce qu’il vient de faire sans bruit, sans histoire, pour montrer à l’Amérique que la France veut défendre sa place, mérite du pays autant de gratitude qu’on en doit à Louis Renault pour avoir, lui aussi, seul et à ses frais, permit à Détroyat de rehausser à Los Angeles le prestige des ailes françaises.