Pour eux, Louis Renault était bien « un collabo »
Trois ex-délégués CGT de Renault-Billancourt contre-attaquent après la demande de réhabilitation de Louis Renault. Selon eux, le constructeur a bien collaboré avec les nazis.
ROBERTO CRISTOFOLI | Publié le 21.05.2011, 07h00
Quand, au 20 Heures de France 2, ils découvrent dans un reportage de quatre minutes que sa famille demande la réhabilitation de Louis Renault dont les usines ont été nationalisées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour cause de collaboration, les trois compères manquent de s’étrangler.
Ex-responsables successifs de la CGT chez Renault-Billancourt entre 1967 et 1982, Aimé Albeher, Sylvain Roger et Michel Certano n’ont toujours pas digéré la demande des descendants : « Ils profitent d’une décision de la cour d’appel de Limoges qui a condamné le Centre de la mémoire d’Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne) pour avoir exposé une photographie de Louis Renault en compagnie d’Hitler au Salon de l’auto de Berlin en 1938, explique Michel Certano.
Cette démarche est monstrueuse. Même s’il n’y a jamais eu de procès, tous les historiens savent que Louis Renault a collaboré avec le régime nazi, c’est pour ça que son entreprise a été nationalisée. »
Pour tenter de contrer ce qu’ils considèrent comme « la falsification de l’histoire de l’Occupation », les trois syndicalistes organisent mardi une réunion sur ce thème à l’Assemblée nationale en présence du député André Gerin et de l’historienne Annie Lacroix-Riz. De son côté, Aimé Albeher a écrit à François Fillon et Frédéric Mitterrand pour s’insurger que l’antenne d’une chaîne de télévision du service public se soit ainsi ouverte à une possible réhabilitation de Louis Renault : « Nous n’avons eu aucune réponse pour le moment, mais nous comptons bien ne pas en rester là. » Pour soutenir la démarche, les trois hommes ont lancé une pétition qui n’en est qu’à son début.
Outre ses anciennes fonctions syndicales, Michel Certano s’occupe aussi de l’histoire des luttes et des événements. A ce titre, il affirme que la rencontre que certains ont qualifiée de « fortuite » entre Louis Renault et Hitler au Salon de Berlin en 1938 (lire ci-dessous) n’était pas la première du genre : « En fait, Louis Renault a rencontré Hitler à trois reprises dont une fois pendant deux heures en 1935. On est loin du profil de l’industriel contraint de collaborer avec l’occupant. » Pour Sylvain Roger, « c’est lui qui a donné l’ordre de réparer leurs chars, sinon pourquoi les alliés auraient-ils bombardé Billancourt à trois reprises? ».
Dans le sujet de France 2, l’historien britannique Julian Jackson considère les choses sous un autre angle à propos de la collaboration de Louis Renault : « C’est plus par choix économique que par choix idéologique » que le cofondateur de la firme au losange aurait agi. Quant à sa petite fille Hélène Dingli, elle affirme que son grand-père était « dépassé ». Près de soixante-sept ans après la mort en captivité de Louis Renault, la polémique est loin d’être refermée.
Ses petits-enfants réclament sa réhabilitation
F.C. AVEC AFP | Publié le 21.05.2011, 07h00
Ils sont sept. Sept petits-enfants de Louis Renault qui réclament depuis des années la réhabilitation du cofondateur avec ses frères de la marque au losange. Pour obtenir réparation, le 9 mai, ils ont déposé une assignation devant le TGI de Paris afin de contester l’ordonnance de confiscation du 16 janvier 1945 qui a permis de nationaliser l’entreprise au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
« Cette ordonnance est contraire aux principes fondamentaux du droit à la propriété », selon l’avocat des descendants de Louis Renault, Me Thierry Lévy, qui a déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Ses clients demandent aujourd’hui « réparation du préjudice ayant résulté de la dépossession de l’ensemble des biens, droits et participations » de Louis Renault. Car ce dernier n’a jamais été jugé. Arrêté et incarcéré à la prison de Fresnes à la Libération pour collaboration, l’industriel est mort en détention en octobre 1944. « Ce que nous voulons avant tout, c’est rétablir la vérité », affirmait il y a quelques jours Mme Dingli-Renault, l’une des petites-filles interrogée par l’AFP, « cela fait seize ans que nous nous battons ». Cette dernière affirme que le dossier de justice concernant son grand-père « est vide des faits dont on l’accusait… Les détracteurs qui avancent des thèses fantaisistes et mensongères ne peuvent absolument pas amener la preuve de sa culpabilité ». Selon les petits-enfants de Louis Renault, ce dernier « n’a pas eu le choix ». Si ses usines ont travaillé pour les Allemands, c’est « contraint et forcé ». Quant à la fameuse photo où l’on voit le patron de Renault en compagnie d’Adolphe Hitler, au Salon de l’auto à Berlin en 1939, « c’était avant le début de la guerre, dans le cadre d’un voyage officiel »… Mme Dingli-Renault regrette que, dans les livres d’histoire, « ma nièce qui a 18 ans continue à voir Louis Renault collabo ». Et de conclure : « Il faut rétablir la vérité. »