Source : A.N. Z 6NL 9
Demandé : A votre retour d’Amérique avez-vous pris contact avec les Allemands et que s’est-il passé entre vous. Les Allemands, d’après M. Lehideux, auraient compris que vous accepteriez de travailler pour eux ?
Réponse : Non ; les Allemands m’ont demandé de travailler pour eux, j’ai refusé, ou tout au moins je n’ai pas répondu. Ils m’ont dit qu’ils s’établiraient sur un terrain à côté m’appartenant.
S.I. : Je ne me souviens plus de la date de mon retour d’Amérique et j’ai dû mettre huit à dix jours pour cela ; quand je suis arrivé à Paris, les commissaires allemands avaient pris possession de l’usine.
Demandé : D’après la note de l’Expert, on constate que fin 1940, début 1941, vous avez réclamé, estimant être défavorisé dans la répartition des programmes destinés à l’Industrie française de l’automobile, ce qui était de nature, si cette réclamation a été admise, à augmenter l’importance de votre production, aussi bien pour les Allemands que pour le secteur français. On constate d’ailleurs une disproportion énorme entre le chiffre des camions fabriqués – surtout en 1941-1942 pour les besoins allemands et ceux fabriqués pour les besoins français.
Réponse : La réclamation avait trait à la fabrication des voitures de tourisme ; or, les Allemands n’en demandaient pour ainsi dire pas. On avait surtout développé l’usine du Mans avant l’occupation, sur la demande des autorités françaises, mais elle n’a plus guère travaillé pendant l’occupation. On y fabriquait des axes arrière de camion et des tracteurs agricoles (1).
S.I. : Je n’ai caché ou détruit aucune note ou correspondance. J’avais surtout des rapports verbaux avec mes Directeurs et mon personnel. Je n’ai eu aucun rapport, pour la marche de l’usine avec les contrôleurs allemands quand le travail a été repris (2).
Je n’ai jamais pris de repas ou consommé avec des sujets ennemis.
Mentionnons que l’audition de M. Renault, qui s’exprime très difficilement, a été très pénible. Par conséquent, nous arrêtons cet interrogatoire et y joignons une note que nous dépose Me Ribet.
Sur la demande de Me Ribet, nous mentionnons la remarque suivante faite par lui :
Pour l’année 1940 le bénéfice net… a été de 62 millions, remarque faite que les usines ont travaillé à plein pendant les cinq premiers mois pour l’industrie de l’Armement français. En 1941, le même bénéfice n’a été que de 18 millions et en 1942, il a été nul, aucune dividende n’a été distribué pour l’exercice 1942. Les bombardements ont de plus occasionnés aux usines une perte de douze cents millions, qui n’a été prise en charge par l’Etat qu’à concurrence de cinq cents millions.
Nous avisons l’inculpé que nous le plaçons sous mandat de dépôt.
Lecture faite persiste et signe
Ribet – Martin – Renault
(1) Et des maillons de chenillette, ndr.
(2) En revanche, il a été convoqué par différents responsables des autorités d’occupation, notamment par le Baurat Kummer pour l’extension des installations du Mans, ndr.