Archives de catégorie : Archives nationales

Maurice Ribet à Monsieur le Conseiller Martin, Paris, le 23 septembre 1944

Source : A.N. Z 6NL 9

Monsieur le Conseiller,

Le dossier que vous avez bien voulu me communiquer fait apparaître une situation assez curieuse dont je tiens immédiatement à prendre acte.

Une lettre de dénonciation singée de M. Renault de la Templerie a été adressée le 29 août 1944 à Monsieur le Procureur de la République.

Le signataire – qui ne donne pas son adresse – signale en termes imprécis que M. Renault aurait, paraît-il, mis son usine à la disposition des Allemands pour fabriquer des Avions. Il demandait l’arrestation immédiate de mon client et sa déchéance de sa qualité de Français.

C’est sur un document de cette nature que le Réquisitoire du Parquet a été pris nominativement contre M. Louis Renault le 2 septembre 1944, et qu’un mandat d’amener a été lancé contre lui le 4 septembre.

Vous avez bien voulu, lorsque – ému d’un pareil procédé -, je me suis présenté à votre Cabinet, accepter que Monsieur Renault vienne à son premier interrogatoire d’identité complètement libre, et s’en retourne de même.

Je vous avais en effet demandé, – et vous me l’aviez accordé très loyalement – d’attendre l’avant-rapport que devait vous déposer M. Caujolle, Expert, avant de prendre une décision définitive.

M. Caujolle vient de déposer deux avant-rapports, d’où il résulte à n’en pas douter, que, non seulement M. Renault n’a pas mis volontairement son Usine à la disposition des Allemands, mais encore que,  – contraint et forcé par l’attitude du Gouvernement de Vichy de travailler pour les autorités d’occupation – lui et ses Services se sont efforcés, malgré le danger que comportait une pareille décision, de freiner dans une grande mesure le travail dans ses usines, et de ne fournir les commandes allemandes que dans des proportions très amenuisées.

D’autre part, vous avez pu constater par vous-même l’état physique de M. Louis Renault : il est incapable de s’expliquer, puisqu’il est atteint d’Aphasie, et son état physique demande les plus grands ménagements.

Il me paraît dans ces conditions qu’il serait d’une suprême injustice de ne pas laisser M. Renault en liberté, étant donné surtout qu’à la suite de la première enquête rapidement effectuée, les charges contre lui apparaissent inexistantes.

Sans doute, depuis quelques jours, une campagne ardente est faite dans certains journaux extrémistes pour protester contre le fait que M. Louis Renault n’est pas « encore arrêté ». Ce matin même, les journaux annoncent par une dépêche datée de Madrid que M. Renault serait en fuite, et serait arrivé dans la capitale espagnole.

Le fait qu’à ce moment même, il était dans votre Cabinet vous démontre, et la fausseté, et la déloyauté de pareilles attaques.

Si des campagnes de Presse peuvent avoir une certaine influence sur les décisions du Gouvernement, je vous connais trop pour penser une seconde qu’elles pourraient influencer vos décisions.

Le Judiciaire n’obéit pas aux mêmes mobiles que le Politique.

C’est dans ces conditions que je vous demande avec une extrême insistance que la décision que vous avez déjà prise il y a quelques jours de laisser M. Louis Renault en liberté ne soit pas révoquée par vous-même à un si bref intervalle, – alors qu’aucune raison valable ne semblerait justifier un pareil changement.

Veuillez agréer, Monsieur le Conseiller, l’assurance de ma haute considération.

Maurice Ribet

Maître Ribet au Juge martin, le 14 octobre 1944

Source : A.N. Z 6NL 9

Monsieur le Conseiller,

Je vous ai remis tout à l’heure un certificat du docteur Marion, spécialiste des voies urinaires, certificat contresigné par le médecin de Ville-Evrard, où il est indiqué que l’état de M. Louis Renault nécessite un traitement d’urgence qui ne peut lui être donné que dans une clinique chirurgicale.

Je vous précise, ce que j’ai dit à M. Côme, que la clinique du docteur Marion, est celle des Frères de Saint-Jean de Dieu, 19 rue Oudinot, qui peut assurer le transfert par ses propres moyens.

Je me permets d’insister sur l’urgence d’une décision ; la vie du malade en dépend, d’après le docteur lui-même…

Maître Ribet au Juge Martin, 16 octobre 1944

Source : A.N. Z 6NL 9

Monsieur le Conseiller,

J’ai l’honneur de vous remettre ci-joint l’original de la lettre que vient de me faire parvenir aujourd’hui, 16 octobre, le Docteur Marion, spécialiste des maladies des voies urinaires.

Je vous rappelle que je vous ai remis avant-hier un certificat signé de lui et du médecin officiel de Ville-Evrard vous indiquant l’état alarmant de M. Louis Renault. Aujourd’hui, M. Marion, qui vient de le visiter à nouveau, constate que son état a gravement empiré et qu’il y a de plus en plus grande urgence à transporter ce malade dans une maison de santé (…)

Je me permets donc d’insister une fois de plus et avec énergie pour qu’une décision très rapide soit prise par vous : vous êtes en effet, d’après les ordonnances en vigueur, le seul qui peut prendre une décision de cette nature : votre décision étant sans appel.

Je m’adresse donc à vous en toute confiance pour qu’aujourd’hui même mon client soit transporté à la Maison de santé des Frères Saint-Jean-de-Dieu rue Oudinot où Monsieur le Docteur Marion a l’habitude d’opérer…

Lettre de M. Bartel au RÜ KDO (1) – Orléans à l’attention de M. le Lt-Colonel Sellier Bourges, le 4 mai 1944

Source : A.N. Z 6NL 9

(…) Pendant ces deux dernières années nous avons fait une mauvaise expérience avec toutes les Directions d’usines de la SNCAC (2) et avons dû prendre en main presque entièrement la direction de nos commandes et la tenue du programme de livraison n’a pu être obtenue que sous la menace et en ayant recours à vos services. Lorsqu’en octobre et novembre de l’année passée se produisit toute une série d’actes de sabotage à l’usine de Fouchambault, qui provoquaient l’arrêt de l’usine pour plusieurs semaines, j’ai dû agir contre les chefs responsables en ma qualité de délégué de la Défense. La Gestapo a arrêté le Directeur français et le Chef du service de surveillance (…) La solution obtenue par le Général Hanesse (3) n’était pas toutefois satisfaisante. Un Directeur général devait, en effet, démissionner mais dans l’ensemble, de la direction de (la) SNCAC rien n’était changé. Le Conseil d’Industrie Français formait ensuite un Comité Directeur de Fabrication Siebel et en chargeait la maison Caudron qui produit également pour nous, pour soi-disant donner satisfaction à notre désir de voir la direction entre des mains fermes. En réalité on voulait mettre les différents directeurs d’usines à l’abri de nos continuelles réclamations concernant les programmes de livraison et nous opposer, en la personne du Directeur Général Asselot (4), un adversaire plus fort. En Mars, ce Comité Directeur s’adjugeait les droits et prenait des mesures qui étaient franchement un non-sens et qui auraient mis en grand danger notre programme de livraison (…) Cette entrevue (* avec, entre autres, les responsables de Caudron, ndr) a eu lieu le 9.3.44 pendant laquelle le côté français faisait une forte opposition à nos exigences (…)

(1) RU KDO Orléans : Rüstung Kommando : état-major de l’Armement – division d’Orléans

(2) SNCAC : Société nationale de constructions aéronautiques du Centre.

(3) Friedrich Carl Hanesse : General der Flieger Luftwaffe (1892-1975) von Hanneken. Lexikon der Wehrmacht.

(4) Alfred-Eugène Asselot, P-DG des usines Caudron-Renault, inculpé d’intelligence avec l’ennemi, il obtient un non-lieu en avril 1949.

Les membres du groupe Caudron-Renault à Monsieur le Ministre de la Justice, s. d. (1944)

Source : A.N. Z 6NL 9

Les accusations que nous pourrions porter contre :

– Monsieur Louis Renault

– Monsieur De Peyrecave

Sont suffisamment établies, d’une part du côté gouvernemental et d’autre part, du côté de l’opinion publique pour que nous fournissions ici le dossier d’accusation.

Notre rôle, dans ce cas, se borne à réclamer justice en portant plainte au nom de la Commission d’Epuration du groupe Caudron-Renault.

Pour la Commission d’Epuration (sans nom, ndr) ;

Le secrétaire général provisoire du ministère de la Justice à Monsieur le procureur général près la Cour d’Appel de Paris, Paris, le 1er septembre 1944.

Source : A.N. Z 6NL 9

Je vous transmets, sous ce pli, une dénonciation adressée par M. Renault de la Templerie, 35 rue de la Faisanderie, visant M. Louis Renault, Directeur des Usines Renault à Boulogne-sur-Seine.

Je vous prie de bien vouloir requérir contre Louis Renault l’ouverture d’une information judiciaire par application des articles 75 et suivants du Code Pénal.

Vous voudrez bien me tenir informé des suites de cette affaire.

Pour le Garde des Sceaux… Le Directeur des Affaires Criminelles et des Grâces  – Signature illisible