Nationalisations de 1945 : Renault et tous les autres
“Il n’y a jamais eu de procès pour nationaliser Renault”.
Retour sur l’action en justice des héritiers de Louis Renault, qui contestent la nationalisation de l’entreprise familiale par l’Etat français en 1945. Une nationalisation ordonnée sans procès. Pour Jean-Claude Hazera, co-auteur du livre “Les patrons sous l’occupation”, un procès aujourd’hui serait l’occasion de faire la lumière sur cette décision sanction pas comme les autres.
L’Usine Nouvelle – Renault a été nationalisé le 16 janvier 1945. Pourquoi cette nationalisation semble différente des autres ?
Jean-Claude Hazera – Elle a été opérée en amont des autres épurations, avec une ambiance particulière. La Libération de la France est toute récente. En Europe, on est encore en guerre. Le gouvernement provisoire de De Gaulle est reconnu depuis le 22 octobre mais il a encore besoin de réaffirmer son autorité. Il y a encore de l’épuration sauvage et c’est dans ce cadre que Louis Renault est emprisonné. Il meurt alors dans des conditions encore troubles. Le fait qu’il soit mort rapidement a précipité l’opportunité de la confiscation de l’entreprise par l’Etat. Celle-ci s’est faite grâce à l’ordonnance de 1945 et il n’y a jamais eu de procès.
Le fait que les huit petits enfants de Louis Renault assignent l’Etat en justice est donc une bonne chose ?
D’un point vue historique, oui. Comme je le disais, il n’y a jamais eu de procès. Et puis, les plaignants peuvent légitimement dire que Louis Renault a été traité plus injustement que d’autres industriels. Ce n’était pas un idéologue, contrairement à George Claude, patron de Air Liquide à cette époque. Lui avait des sympathies exprimées et gênantes envers le régime pétainiste.
Alors qu’elle a été le rôle de Renault sous l’occupation ?
Il faut savoir qu’à l’époque la seule façon de ne pas collaborer était encore de fermer les usines. Quand on ne mettait pas la clé sous la portes, les Allemands ponctionnaient une parti. Cette contrepartie concernait tous les industriels.
Pourquoi Renault et pas d’autres alors ?
La différence est que Renault était plus exposé. Les Peugeot, qui comptaient aussi des résistants dans la famille, ont également donné une partie de leur production mais ils n’ont pas fait de réparation pour les Allemands. C’est Renault qui était chargé de réparer les chars. Louis Renault a été à plusieurs reprises en Allemagne pour affaires, ce qui a beaucoup marqué à l’époque. De plus, avant même la guerre, les relations avec la CGT étaient très tendues. Le syndicat, proche des communistes qui étaient puissant à l’époque, avait Renault dans le collimateur.
Renault a donc été le principal touché par cette vague d’épuration ?
Le secteur automobile était très concerné car leur collaboration était visible. Les Allemands conduisaient leurs voitures en France. Par exemple, Berliet a ainsi été mis sous séquestre plusieurs années. Mais, contrairement à Renault, cette fois-ci il y a eu procès et respect des formes légales.