Le groupe automobile Renault, pomme de discorde entre l’Etat et Nissan, est étroitement lié à l’histoire de France depuis le début du XXe siècle, autant par ses modèles emblématiques que son statut d’entreprise nationale pendant plus de quarante ans.
Alliée depuis 1999 au japonais Nissan, dont elle détient 43% et avec lequel elle forme le quatrième groupe automobile mondial en volumes, l’entreprise au Losange emploie plus de 117.000 personnes dans le monde et distribue ses véhicules dans 125 pays.
En 2014, le constructeur a vendu 2,71 millions d’unités, réalisé un chiffre d’affaires de 41 milliards d’euros et dégagé un bénéfice net de 1,89 milliard.
C’est en 1898 que le jeune autodidacte Louis Renault construit à Boulogne-Billancourt, au sud-ouest de Paris, sa première automobile, la “Type A”. L’année suivante est fondée l’entreprise Renault Frères, dont le succès commercial s’étend avant la Première Guerre mondiale grâce aux exploits sportifs de ses modèles.
Mobilisées pour l’effort de guerre, les usines Renault produisent des munitions, mais aussi le char léger FT, qui contribue aux avancées alliées avant l’armistice.
Alors que son nouveau concurrent André Citroën connaît un grand succès en appliquant les méthodes américaines, Louis Renault modernise aussi son outil de production. Cela passe par l’usine géante de l’île Seguin à Boulogne-Billancourt au début des années 1930.
A l’époque, la gamme Renault comprend des petites voitures mais aussi de puissantes autos de grand luxe.
– “Laboratoire social” –
Mais la Seconde Guerre mondiale va rebattre les cartes. Les usines Renault sont réquisitionnées par l’occupant, et en 1944 Louis Renault est arrêté pour faits de collaboration. Il meurt en détention quelques semaines plus tard.
Le gouvernement nationalise l’entreprise, qui devient la “Régie nationale des usines Renault” et se voit confier la construction de voitures d’entrée de gamme: la 4CV (1946) puis la Dauphine qui contribueront à la motorisation de la France d’après-guerre.
Cette orientation populaire subistera dans l’ADN de la marque, que ce soit avec la Renault 4 de 1961, la Renault 5 de 1972 puis les Clio et Twingo depuis le début des années 1990, régulièrement parmi les voitures les plus vendues en France et en Europe.
Renault, dont l’implantation industrielle en France s’est développée (Flins, Cléon, Sandouville dans l’axe Paris-Le Havre, mais aussi Le Mans et Douai), s’étend à l’international, en particulier en Espagne, en Amérique du Sud, en Turquie, puis au Maroc et en Algérie. Sa première usine chinoise sera inaugurée début 2016.
Plusieurs tentatives de conquérir le marché nord-américain échouent toutefois, et l’entreprise peine à s’imposer dans le haut de gamme au-delà de son fief malgré des véhicules novateurs comme la R16 (1965) ou l’Espace (1984).
La Régie, qui a dépassé en 1969 le million de véhicules produits en rythme annuel, est considérée comme le “laboratoire social” de la France, avec notamment des accords précurseurs sur les congés payés. Bastion syndical, c’est aussi l’un des épicentres de la contestation en mai 1968.
Une époque s’achève entre 1990 et 1996, avec la transformation en société anonyme et un désengagement graduel de l’Etat. C’est sous le PDG Louis Schweitzer qu’est rachetée la marque roumaine Dacia; elle devient un phénomène commercial dans le secteur du “low-cost”. Les groupes coréen Samsung et russe Avtovaz rejoignent ensuite l’orbite du constructeur.
Renault, dirigé depuis 2005 par Carlos Ghosn, ambitionne de rejoindre le “top 3” des groupes automobiles mondiaux grâce à son alliance avec Nissan, source de synergies et de juteux dividendes, mais aussi de tensions avec l’Etat français qui est récemment remonté de 15 à 19% du capital de l’entreprise pour lui imposer une loi anti-spéculateurs.
Pour bien apprécier l’oeuvre de la Régie, voyons quelle était la production des usines Renault en 1944. Voitures de tourisme: une gamme complète, de la 4 CV à une “Vivasport” de 23 CV destinée à affronter la concurrence américaine sur les marchés étrangers; des véhicules industriels; du matériel ferroviaire, des avions; du matériel agricole. Aujourd’hui: les poids lourds on tété vendus à Volvo; les cars et autobus à IVECO (FIAT), le matériel agricole à l’allemand Claas; l’aéronautique a été attribuée à la SNECMA; le ferroviaire, dont la Régie s’est désintéressée, a donné naissance aux moteurs MGO et AGO que l’on trouve sur les locomotives ALSTHOM jusque dans les années 70 (aujourd’hui, la SACM appartient au finlandais Wärtsilâ).. Et combien y avait-il d’ouvriers à Billancourt en 1944 et combien y en a -il aujourd’hui à Flins, Pour fabriquer des Nissan Micra? Le bilan de la Régie doit être nuancé.