Reportage de Gérard Grizbec sur Louis Renault, l’occupation et les archives allemandes à télématin du 12 janvier 2012 sur France 2, présenté par William Leymergie
Télematin sur Renault, l'Occupation et les… par Boulogne-Billancourt
Reportage de Gérard Grizbec sur Louis Renault, l’occupation et les archives allemandes à télématin du 12 janvier 2012 sur France 2, présenté par William Leymergie
Télematin sur Renault, l'Occupation et les… par Boulogne-Billancourt
La nationalisation des usines Renault de 1945 est contestée par les petits-enfants de Louis Renault qui souhaitent réhabiliter leur grand-père. Reportage du 12/13 de France 3 du 13 mai 2011 de B. Lassauce, C. Weill-Raynal, S. Guibout et M. Guilloiseau-Joubert.
Les descendants de Louis Renault contestent la… par Boulogne-Billancourt
BFM TV, 14 décembre 2011, par Pauline Revenaz et Florian Rivais
L’affaire Renault, reportage de Pauline Revenaz… par Boulogne-Billancourt
Affaire à suivre – Tébéo, animé par Olivier Clech, René Pérez, et Marina d’Eté, 21 avril 2011
Première partie
Louis Renault sous l’Occupation allemande 1 par Boulogne-Billancourt
Deuxième partie
Louis Renault sous l’Occupation allemande 2 par Boulogne-Billancourt
Troisième partie
Louis Renault sous l’Occupation allemande 3 par Boulogne-Billancourt
France 3, Histoire immédiate, 14 décembre 2011, débat animé par Samuel Etienne
Débat Histoire immédiate, Renault-Citroën, la… par Boulogne-Billancourt
La Chaîne Histoire, septembre 2000, par Guillaume Durand
Louis Renault et l'industrie automobile par Boulogne-Billancourt
Billancourt avait déjà planché sur un projet de tracteur agricole à chenilles fin 1917 début 1918, car Louis Renault voyait d’un mauvais oeil l’arrivée, sur le sol français, d’une importation massive de tracteurs américains.
Si 3 177 chars avaient été livrés aux armées alliées par Billancourt, il restait quelques exemplaires incomplets sur les chaînes de montage en novembre 1918. Contrairement à une légende généralement admise, ces appareils, dépourvus de tourelles, n’ont pas servi à l’agriculture mais exclusivement au halage de chalands.
Un prototype de tracteur était construit en janvier 1918, deux autres suivirent pour évoluer en 1919 vers un engin chenillé dont le concept exclusif ne devait plus rien au char de l’armistice.
L’immense hall où étaient assemblés les chars FT17 fût reconverti en lignes de montage du tracteur agricole Renault, le type GP, premier tracteur agricole français construit en série.
Fin 1920, le premier tracteur Renault à roues apparaît, il complète heureusement le modèle chenillé par la modestie de ses dimensions et sa maniabilité, il fût destiné principalement aux surfaces moyennes d’exploitations.
Louis Renault, propriétaire d’un immense domaine agricole de sept fermes couvrant 1 700 hectares à Herqueville dans l’Eure, voulut que ses terres soient travaillées par des engins portant son nom. En conséquence, pas moins de onze modèles différents de tracteurs agricoles furent mis à l’épreuve sur le domaine entre 1919 et 1939.
Ces matériels ont évolué, au cours de ces deux décennies, au même rythme que les autres produits de Billancourt. Il était temps car il faut reconnaitre que de tout consacrer aux productions de guerre pendant le premier conflit mondial, l’automobile fût quelque peu sacrifiée alors qu’outre-Atlantique les constructeurs mettaient les bouchées doubles !
La réaction de Renault se fait alors sur deux plans, mais il n’est pas question de se précipiter et de prendre des risques dans une situation générale de crise, la paix revenue. La prudence du maître de Billancourt commande de ne pas s’endetter alors que les marchés de guerre ne sont pas encore soldés. Il déclare notamment : « les banquiers ne sont pas des philanthropes, ce sont des marchands d’argent et il faut autant que possible ne pas avoir affaire à eux. » En conséquence, et sur le plan statutaire, il faudra attendre le 17 mars 1922 pour connaître la création de la « Société anonyme des Automobiles Renault ». D’autre part, sur le plan industriel et pendant la même période, mise en place du travail à la chaîne.
A Billancourt, il existait déjà une certaine organisation, reflet d’improvisation, faite dans l’urgence des nécessités des productions de guerre. Aux lendemains de cette « dernière », la rationalisation des méthodes de fabrication, seul remède à l’éparpillement géographique de la grande usine, prend corps. Ainsi, le travail à la chaîne et le montage mécanique s’organise autour d’un premier modèle de grande diffusion, la 10cv.
Dès lors, les choses vont s’accélérer, et devant la nécessité de continuer le recentrage des fabrications pour une organisation toujours plus rationnelle, l’île Seguin, déjà en grande partie utilisée pour les oeuvres sociales de Renault, est visée pour l’établissement d’un grand ensemble de montage, les fabrications restant, en général, affectées aux ateliers situés sur la rive communément appelée « le trapèze » et sur la surface de l’usine 0 proche de la porte de StCloud.
A défaut de preuves écrites formelles, on situe l’année 1922 comme étant celle de la prise de décision de transformer l’île en un grand vaisseau industriel. Afin de mettre à l’abri des inondations les futures installations, les travaux de remblaiement, pour surélévation du sol et confortement des berges, débutent en 1923.
En 1928, une première tranche de bâtiments est en construction, et un premier pont d’accès depuis la rive droite est lancé.
En 1929, une centrale thermique est construite sur la pointe aval pour la fourniture d’énergie électrique à l’ensemble du site industriel.
De plus, un second pont est lancé entre l’île et la rive gauche de la Seine en 1930.
A cette date, une première tranche de construction s’achevait. Elle offrait 55 700m2de planchers supplémentaires pour le montage en chaîne de voitures de tourisme, poids lourds et matériel ferroviaire.
En avril 1928, Louis Renault et ses principaux collaborateurs ont visité plusieurs usines aux Etats-Unis. Il est incontestable que l’influence américaine a joué pour la conception de l’île Seguin et ceci pour atteindre un niveau de modernisme jusqu’ici inconnu sur le vieux continent.
En sept années de travaux, Seguin, devenue la cathédrale industrielle de Billancourt en étonnera plus d’un. Y compris André Citroën, qui restera impressionné lors d’une visite qu’il effectuera en compagnie de Louis Renault à la fin de 1932. Cette impression le confortera dans l’idée de reprendre totalement le site de Javel en 1933, ce qui fût réalisé, sans garde-fou, au mois d’octobre de cette même année.
Pendant ce temps, Renault conforte sa gamme de modèles de tourisme et, dans le cours des années 20, deux hauts de gamme, à moteurs 6 cylindres, surgissent : la 18cv et la 40cv.7
Ces modèles restent encore emblématiques de nos jours, par leurs tailles, leurs puissances, et la qualité de leur fabrication. La présidence de la République utilisait la 40cv pour tout déplacement officiel jusqu’en 1932, et les plus grands carrossiers du moment habillaient ces châssis en ajoutant aux productions de l’usine leurs propres styles, souvent dictés par une clientèle particulièrement exigeante.
En 1923, Renault veut donner la réplique à Citroën qui entendait, dès l’hiver 1921 —1922, réaliser une traversée du Sahara avec ses célèbres chenillettes, munies du dispositif Kégresse. Billancourt, avec son habituel bon sens, estimant que la chenillette présentera en terrains variés des usures prématurées qui nécessiteront de fréquents changements, inventera et fabriquera en série un véhicule multiroues équipé de pneus à basse pression. Sa désignation courante était le « 6 roues Renault », alors qu’il en comportait 12 !
Afin de prouver la qualité du concept, le « 6 roues » est lancé à la conquête de nombreuses pistes africaines souvent aux mains de valeureux explorateurs, et le succès comme les débouchés commerciaux ont été probants. En effet, les accords avec l’organisation de la Compagnie Générale Transsaharienne permettront d’établir des circuits touristiques en Afrique et, en 1930, pas moins de 1 800 véhicules Renault de toutes catégories sillonnaient les routes du tourisme africain.
Lors de la décennie 1920 — 1930, Renault conforte encore ce qui est propre à Billancourt, la diversification on assiste à la naissance des autorails construits à côté des locotracteurs, au renouvellement de la gamme des moteurs d’avions, au développement de la gamme des véhicules utilitaires, des véhicules de services publics et des transports en commun.
Sans oublier les progrès apportés au machinisme agricole et les dispositions techniques appliquées aux nouvelles voitures de tourisme à radiateur reporté à l’avant du moteur sur les voitures de haut de gamme en 1928, le servo-frein moteur, le moteur 6 cylindres de 1 500cc procurant souplesse donc agrément de conduite au modèle dit de bas de gamme : la Monasix. Mais également, pour ce qui est de l’aménagement intérieur des carrosseries, la modularité du volume du coffre grâce au déplacement longitudinal de la banquette arrière. Pour mémoire, cette disposition a été reprise, entre autres, sur notre contemporaine « Twingo ».
Le sport n’est pas oublié au cours de cette période et, si la course sur circuit n’est plus à l’ordre du jour, la participation privée ou officielle de Renault à différents rallyes nationaux et internationaux est effective, et le rallye de Monte-Carlo, tout comme le rallye du Maroc, verront les Renault aux places d’honneur.
Il semble cependant que les tentatives de records, et le challenge qu’elles représentent, attirent d’avantage la marque de Billancourt qui, dans un premier temps, a fait carrosser un châssis de 40cv pour remporter en 1925, à Montlhéry, le record du monde des 24 heures ( 3 385km parcourus à 141km/h de moyenne), et également les records des 3 heures, 500km et 500 miles.
Un autre châssis de 40cv fût cette fois carrossé en monoplace à conduite intérieure pour effacer, en juillet 1926, les records de l’année précédente. Cette fois, elle aura parcouru 4 168km à 174km/h de moyenne en 24 heures, sur la piste de Montlhéry.
Renault saura exploiter l’impact publicitaire généré par ces records en présentant au public les deux voitures en de nombreux endroits. Mais renoncer ou en rester là n’est pas Renault et sept ans plus tard, Billancourt reprend le chemin de Montlhéry.
Plusieurs modèles, strictement de série, sont mis en piste : Primaquatre et Primastella (prima signifie première) à 4 et 6 cylindres, Nervastella (nerva signifie nerveuse) et enfin Reinasport (la reine) se succéderont pour battre de retentissants records, chacune clans leur catégorie. Et puis, afin de concilier surpuissance et aérodynamisme, un châssis de Nervasport à moteur 8 cylindres de 4 827cc reçoit une carrosserie spéciale, conçue et réalisée par des mains expertes, en interne et sous le sceau du secret.
Grâce au talent de quatre jeunes ingénieurs pilotes et à la fiabilité d’une mécanique sans histoires, la voiture ramènera le 5 avril 1934, 3 records du monde toutes catégories et 9 records internationaux en catégorie 3 à 5 litres, en parcourant 8 037km à la moyenne de 168km/h pendant 48 heures. Cependant, les records étant faits pour être battus, un mois plus tard, Delahaye monte au créneau avec une 6 cylindres carrossée spécialement et Renault, en conséquence, décide de revoir sa copie en carrossant cette fois un châssis de Vivasport, 6 cylindres de 3 619cc, sur un dessin de l’ingénieur Marcel Riffard, aérodynamicien de génie du bureau d’étude Caudron. Le 13 août 1934, le quatuor est sur la ligne de départ avec cette nouvelle voiture aux performances prometteuses.
A 19H45, un premier pilote part en assurant une vitesse de croisière à 180km/h, un deuxième relai 3 heures plus tard maintiendra le rythme puis Georges Berthelon assure un troisième relai. Mais à 3H30 le matin du 14 août, c’est l’accident. Pour une cause inexpliquée, la voiture franchit le parapet et retombe en flammes. Le malheureux Berthelon est retrouvé mort, et sa disparition allait mettre un terme aux tentatives de records de Renault, pour cette période allant jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale.
Mais revenons quelque peu en arrière, car le développement de l’usine de Billancourt risque d’être oublié malgré son importance ! En 1930, Renault couvrait 100 hectares, superficie mise en valeur par une publicité égalant l’emprise de Renault à celle de la ville de Chartres. 32 000 personnes y étaient employées.
Cependant surfaces développées ainsi qu’effectifs ne cessèrent de progresser jusqu’en 1938 pour répondre aux besoins de l’usine qui fabrique tous les composants des moyens de locomotion terrestres, maritimes et aériens. Seuls les vitrages n’étaient pas du ressort de Renault ! La Seine a constitué une artère de circulation extrêmement pratique aux fonctions de les approvisionnements comme les produits finis pouvaient ainsi circuler sans entraver les axes routiers. Il est à souligner que Renault continue aujourd’hui à exploiter l’intérêt du transport fluvial sur la Seine.
A partir de 1933, l’aviation est à l’ordre du jour. Le 1′ juillet, Renault prenait le contrôle de Caudron, qui devient « Caudron — Renault ». La pureté aérodynamique de conception Marcel Riffard et l’excellente motorisation Renault produisent des appareils destinés à battre d’innombrables records du monde de vitesse. Raymond Delmotte et Hélène Boucher devaient se charger de remplir un palmarès aéronautique hors du commun.
Caudron type coupe Deutsch avec lequel Raymond Delmotte battit deux records du monde en décembre 1933 à Istres © Renault Histoire
La publicité aidant, Renault possède, à ce moment, la maîtrise de l’air, du rail, et de la route.
En ce qui concerne l’aviation, Caudron Renault, outre les appareils de performances, a produit également deux avions de transport pour le courrier et les passagers : le Simoun et le Goéland.
Les autres catégories de matériels continuaient de progresser, notamment le ferroviaire dont les montages en série des autorails, tout comme celui des véhicules utilitaires sur l’île Seguin, sont organisés.
Les voitures de tourisme, avec la disposition classique radiateur avant et bloc moteur boite de vitesse, d’abord en carrosserie carrée, dont le célèbre taxi G7 de 1933 en a transmis l’image la plus représentative, évoluèrent ensuite avec une carrosserie dite « aérodynamique » couvrant une gamme complète, de la 8cv Celtaquatre jusqu’aux Nerva et autres Reinastella.
L’influence de Marcel Riffard est incontestable quant au développement des carrosseries constitutives des gammes suivantes, que l’on considère comme « hyperaérodynamiques ».
La montée des dictatures en Europe et la crise économique née aux Etats-Unis ont des répercussions, entre autres, sur l’activité du monde automobile. Les événements du 6 février 1934 seront à l’origine d’une grève de courte durée à Billan court. Mais progressivement, le climat social se dégradant, la grève générée par le front populaire pour les 40 heures hebdomadaires et la stabilité des salaires est déclenchée à Billancourt le 29 mai pour ne cesser que le 13 juin 1936.
Entre juin 1936 et novembre 1938, l’agitation sociale ne va pratiquement pas cesser à Billancourt mais les 24 et 25 novembre 1938 seront les plus marquants. En effet, le mouvement de grève provoqua l’évacuation par la force d’une part et le lock-out de l’usine avec réembauche sélective, 1 868 ouvriers n’étant pas repris, dont 843 ayant des responsabilités syndicales.
Malgré d’incontestables difficultés en 1937 chez Renault, du fait d’une certaine mévente des voitures de tourisme, un nouveau modèle apparait : la Juvaquatre, dont le préfixe évoque la jeunesse.
Cette automobile, selon les dires de Louis Renault, correspond aux désirs d’une clientèle à la recherche d’une voiture très économique, mais possède, malgré sa petite taille, 4 vraies places I La Juvaquatre ne connaitra pas le succès commercial escompté malgré toutes les incitations poussées par une campagne publicitaire très soutenue et la curiosité des visiteurs du stand Renault au salon d’octobre 1937, découvrant une première Renault à carrosserie autoporteuse.
Par contre, la marque présente encore des hauts de gamme toujours appréciés en raison de leur qualité d’exécution.
La beauté de leur présentation leur permettra de soutenir un palmarès flatteur lors de concours d’élégance régulièrement organisés jusqu’au milieu de 1939. Manifestations luxueuses de prestige à propos desquelles il parait difficile d’imaginer un horizon qui s’assombrit de jour en jour.
La gamme des véhicules utilitaires s’enrichit à partir de la fin 1938, et la « cabine avancée » se généralisait sur tous les modèles de charge utile supérieure à 3 tonnes.
Pour 1939, cette gamme très étendue répond à tous les besoins d’une clientèle élargie de l’utilitaire au tracteur agricole en passant par le transport en commun.
Les véhicules industriels
1940, le ciel s’assombrit complètement, et devant la poussée de l’agression allemande le Président du Conseil, Paul Reynaud, demande à Louis Renault de partir en mission officielle aux Etats-Unis afin de communiquer aux industriels américains la technique française de fabrication des chars lourds et moyens.
Parti le 29 mai, il en reviendra le 23 juillet alors que le commandement militaire allemand a décidé la saisie provisoire des usines depuis le 24 juin. Le 26 juin, 3 commissaires allemands s’installent à Billancourt, ils viennent tous les 3 de Mercedes-Benz. Leur première intervention matérielle est la réquisition de deux halls, situés à proximité du pont de Sèvres, pour procéder à la réparation de matériels saisis lors de la campagne de France. Il s’agissait globalement de 1 100 chars de combat que des équipes allemandes remettaient en état de fonctionnement.
Depuis le 10 juin, les ouvriers de moins de vingt ans et les affectés spéciaux sont évacués de Billancourt. Du côté civil, une certaine réorganisation s’installe dans la pénurie, les allemands exigent cependant de Renault d’assurer un programme de fabrication destiné à subvenir à leurs propres besoins sur le territoire. Une première action consistera donc à équiper des stocks de voitures et de camions en gazogène, ces derniers étant fabriqués par Renault.
Certaines de ces adaptations seront autorisées à l’utilisation civile à condition qu’elles soient utilitaires.
Les premiers mois d’occupation passant, l’inaction du bureau d’études devient pesante et les cerveaux commencent à croire à un après-guerre, et donc à un programme civil.
Ainsi, on met sur le papier ce qui parait concevable à ce sujet et l’on voit apparaitre un nouvel autorail, un car à la carrosserie en aluminium, plusieurs modèles de 11cv et 14cv, la reprise de la Juvaquatre et enfin, une petite voiture à moteur arrière.
Bravant tous les interdits et malgré d’inévitables dénonciations, les complicités se coordonnèrent pour mettre en fabrication la petite voiture dite 106E1 ainsi que les modèles de 11cv et 14cv. Le style de ces derniers étant très influencé par les voitures américaines de l’immédiat avant-guerre.
Concevoir, fabriquer et essayer ces prototypes au nez et à la barbe de l’occupant allemand était une forme de résistance à son autorité.
Parallèlement, et pour répondre avec réticence aux impositions des commissaires allemands, des camions destinés aux armées allemandes, bataillant aussi bien en Afrique qu’en Russie, sont montés en chaîne.
La plupart de ces camions manquaient d’un minimum de fiabilité et des courriers militaires, retrouvés plusieurs décennies après, blâmaient le matériel Renault, pour sa mauvaise qualité, l’absence de pièces de rechange etc…
Malheureusement, les alliés, prétextant que Renault met sa puissance de production au service de l’occupant, décident la destruction de cet outil que constitue Billancourt. Le mardi 3 mars 1942, la première attaque est menée par l’aviation anglaise, opérant à basse altitude. En un peu plus de 2 heures, 232 appareils larguent 542 bombes. Sur Billancourt et les communes voisines, on dénombre 391 victimes et l’usine est fortement endommagée.
Les déblaiements et la remise en état nécessiteront 7 mois et demi de travail I Mais les bombardiers américains prennent le relai. Le 4 avril, les 3 et 15 septembre 1943, opérant à haute altitude avec des bombes de fort tonnage, ils atteignent les infrastructures des bâtiments ce qui provoque une certaine fragilité des structures restant debout. Ces trois dernières interventions firent 668 victimes, l’usine est gravement atteinte, et la production fortement compromise. Les armées allemandes, en 1944, auront cependant pris en compte 34 017 camions Renault de l’automne 1940 à août 1944.
Le prototype n°1 de la future 4cv est construit, et son premier parcours routier a lieu, côte du pavé des gardes à Chaville et dans les allées du bois de Meudon, le 4 janvier 1943 à 6 heures. Finalement, l’esthétique discutable et les quelques défauts constatés lors d’essais suivants, décideront les concepteurs à rechercher les améliorations sur un prototype n°2.
Puis vient la libération, en août 1944, son cortège de joie et d’espoir met quelque peu dans l’ombre la situation de Billancourt en ruines et la santé chancelante du fondateur.
Louis Renault décède le 24 octobre 1944, emportant avec lui la première vie de Billancourt.
Pour toute référence à ce texte, merci de préciser Claude Le Maître, “Petite Histoire d’une première vie de Renault 1898-1944. Seconde partie”, louisrenault.com, juin 2012.
Dernière mise à jour : 22 juin 2012
Rétromobile 1981 : Claude Le Maître (à droite) en conversation avec René Arnoux (pilote F1 – à gauche) © Archives privées Le Maître – Droits réservés
Lorsqu’en 1964, j’entrais à Paris au service d’un cabinet d’architecture tout simplement pour y exercer ma profession, je devais découvrir que l’essentiel de sa clientèle était constitué par les réalisations propres aux services après-vente de la Régie Renault. Moi qui ne connaissais rien de l’organisation d’un garage d’automobiles, un certain nombre de conseillers firent mon instruction afin de répondre du mieux que possible à la conception de nouvelles succursales et concessions. En cette période des trente glorieuses, on vit un développement extraordinaire du commerce automobile, donc des besoins qui en découlent.
En cours d’études, un géomètre expert de Renault nous communiquait les renseignements relatifs aux terrains d’assises, et nos fréquentations permanentes eurent pour conséquence de nouer des relations amicales et, lorsqu’en 1970 un certain Gilbert Hatry (chef de service à la Direction du Personnel de Renault) fonde la « Section d’Histoire des Usines Renault », les publications issues de cette activité traitaient, par la recherche et le témoignage, des événements qui ont jalonné le passé de l’entreprise. Jean, notre géomètre, faisait partie du comité de rédaction et, connaissant nos qualités calligraphiques et nos équipements reprographiques intervint auprès de moi et toujours en toute amitié. C’est ainsi que peu de temps plus tard, les calques figurant les courses de ville à ville du début du siècle ainsi que le triste bombardement de Billancourt en 1942 tombèrent dans l’escarcelle de la Section d’Histoire de Renault.
Septembre 1987 : Claude Le Maître au pied de l’obélisque de la place de la Concorde à côté de sa 4 cv découvrable à l’occasion d’un tournage pour l’émission “Pare-chocs” de France 3 © Archives privées Le Maître – Droits réservés
A la suite de cela, Gilbert Hatry demanda à me connaitre et une première rencontre en 1973 devait marquer le début de cette aventure originale car, sans abandonner ma profession, je me suis retrouvé au milieu d’un entourage Renault pendant les heures dites de loisirs ! En complément et à la même époque, la passion de la 4cv devait m’envahir au point d’en acquérir une et parcourir des kilomètres sympathiques en retraçant quelques souvenirs d’époque.
1990 : Fernand Picard (concepteur de la 4 cv – au centre) remet à Claude Le Maître (2ème en partant de la gauche) la médaille commémorative célébrant le 50ème anniversaire du démarrage de la conception de la 4 cv © Archives privées Le Maître – Droits réservés
Pour en revenir à l’histoire, il fût convenu, par ce qui était devenu une grande complicité entre Gilbert et moi, de rédiger des études, descriptions et caractéristiques des modèles Renault depuis l’origine de la marque. La machine était bien en route lorsqu’un premier tome sortait en 1977, suivit de cinq autres jusqu’en 1982. Plusieurs autres publications portant nos deux noms suivirent et en 1988 le 90ème anniversaire de Renault fût célébré en même temps que la constitution de la « Société d’Histoire du Groupe Renault », se substituant à la Section d’Histoire.
Septembre 1998 : Claude Le Maître à côté de sa 4 cv découvrable à l’occasion de l’opération “portes ouvertes” à Lardy organisée dans le cadre des 100 ans de Renault © Archives privées Le Maître – Droits réservés
Gilbert décéda en 1992 et l’année suivante, le Conseil d’Administration mit mon nom au côté du titre de Président, que je devais abandonner seulement en 2010 pour être remplacé par Yves Dubreil, le père de la Twingo.
Rétromobile 2003 : sur le stand de Renault Histoire & Collection, Claude Le Maître évoque avec humour la conquête du Sahara par les “6 roues” © Archives privées Le Maître – Droits réservés
Devenu Président Honoraire et breton de surcroit, j’ai maintenant la joie de vivre parmi un cercle d’amitié ou la passion et les sentiments humains sont les priorités.
Claude Le Maître
Petite Histoire d’une première vie de Renault 1898-1944
Louis Renault est né le 12 février 1877 à Paris, il est le cadet d’une famille de cinq enfants. Ses parents, fabricants et négociants en mercerie, lui assurent une enfance et une adolescence heureuses.
Louis Renault (en haut au centre) parmi ses camarades de classe au Lycée Condorcet © Renault Histoire
Dès son plus jeune âge, il montre une aversion pour les études en même temps que des dispositions qui le feront s’écarter d’une voie que son père avait tracée pour lui, comme pour ses frères.
Il a 15 ans à peine lorsque son père disparait. Il déclare alors à ses frères Fernand et Marcel que le commerce ne l’intéressant pas, il se vouera à la mécanique.
Dans l’abri de jardin de la propriété familiale de Billancourt, il se laissera aller librement à sa passion, et c’est là qu’il construira en revenant du service militaire dès l’automne 1898, sa première voiturette prototype, dotée d’une transmission originale à « prise directe ».
Cette invention, il l’avait esquissée durant son service militaire. Elle marque l’abandon des chaînes et autres courroies de transmission au profit d’une boîte de vitesses reliée à une différentiel solidaire de l’essieu arrière par un arbre et deux joints de cardan.
Cette invention fût brevetée sous l’intitulé « Mécanisme de transmission et de changement de vitesse pour voitures automobiles », le 9 février 1899.
Pourquoi marquer l’accent sur cette invention brevetée ? Il s’agit, effectivement, du deuxième brevet déposé par Louis Renault, le premier ayant trait à l’invention d’un générateur à vapeur qui, à notre connaissance, n’a pas connu de suite pratique, ce qui n’est pas le cas de l’invention de la prise directe dont la disposition est mise en pratique, compte tenu de ses avantages, par de nombreux constructeurs sans scrupules.
Les frères Renault, réagissant devant cette entreprise de pillage, obtinrent la reconnaissance de l’originalité de conception. Puis, une décision de justice prononcée seulement fin 1905 amena les constructeurs utilisateurs du dispositif à verser à Renault Frères des royalties jusqu’à ce que le brevet tombe dans le domaine public le 9 février 1914.
Cette anecdote reflète un fait révélateur de la réussite économique de la jeune entreprise, mais également ce qui fait encore aujourd’hui sa réputation : son pouvoir permanent d’innovation.
Revenons à notre histoire ! Avec cette première voiturette, la grande aventure commence le 24 décembre 1898 car, profitant d’un réveillon à Montmartre entre amis, Louis Renault fait apprécier l’intérêt du dispositif mécanique de son invention dans la montée de la rue Lepic. Sous l’effet enthousiasmant de la démonstration, douze commandes sont passées le jour même avec versement d’arrhes.
L’entreprise se confirme ainsi à l’aube de 1899 et une société en nom collectif « Renault Frères » est créée le 25 février 1899 avec effet rétroactif au 1 eroctobre 1898, au capital de 60 000 francs, pour une durée de 10 ans, entre les frères Fernand et Marcel Renault. Louis en sera la cheville ouvrière.
Afin d’assurer la production des commandes passées dans les meilleures conditions, le petit abri de jardin est abandonné au profit d’un hangar à bateaux récupéré sur l’île Seguin et remonté à Billancourt sur une parcelle contigüe à la propriété familiale.
Sur le quai de Seine, Fernand et Marcel Renault sur le tricycle De Dion, et Louis Renault au volant du prototype de voiturette © Renault Histoire.
A la fin de l’année 1899, c’est en fait 71 voiturettes qui seront construites. Renault Frères compte alors 60 personnes et réalise un chiffre d’affaires de 117 622 F. procurant un bénéfice de 42 879 F. soit plus de 36% du chiffre d’affaires.
Les 3 frères Renault, motivés par l’incontestable succès de l’entreprise naissante, décident alors de se faire connaître. D’abord, en exposant au deuxième salon de l’automobile sur l’esplanade des tuileries, en juin 1899, une voiturette.
Si la presse ne fait aucunement référence à Renault en la circonstance, il n’en sera pas de même pour les événements qui vont suivre, car le jeune constructeur de Billancourt décide de participer à un enchainement de compétitions, la première étant organisée le 27 août 1899 sur le parcours Paris-Trouville.
Louis Renault sur sa voiturette type A au départ de la course Paris-Rambouilletet retour le 19 octobre 1899 © Renault Histoire
Elle sera suivie par de nombreuses épreuves sur différents itinéraires de ville à ville courues pendant les années 1900 et 1901. Louis et Marcel occupèrent les deux premières places, dans leur catégorie, à chaque arrivée de compétition.
En 1901, l’effectif atteint 400 personnes, et sur le plan social, l’entreprise cannait une première évolution sous forme mutualiste en créant la « Société de Secours Renault Frères ».
Alors que jusqu’à présent les voiturettes n’étaient équipées que de moteurs monocylindre de différentes puissances, en 1902, Renault complète sa gamme de modèles par la création de moteurs à deux et quatre cylindres.
C’est avec un modèle dit « voiture légère », équipée d’un moteur à 4 cylindres, que Marcel Renault remporte la course Paris-Vienne le 29 juin 1902.
Succès sans précédent pour Renault Frères, qui a pour conséquences de décupler les commandes. Six modèles différents de voitures sont à cette époque proposés à la clientèle.
Malheureusement, le 26 mai 1903, Marcel Renault est victime d’un accident mortel dans la course Paris-Madrid, qui pour des raisons de sécurité est arrêtée à Bordeaux. Ce tragique accident sonne le glas des courses de ville à ville et l’abandon de la fonction de pilote par Louis Renault. Ce dernier reste seul avec son frère Fernand pour la répartition à parts égales du capital social de la société, et Louis abandonne ainsi son statut d’employé, il devient l’omniprésent patron de Billancourt.
En 1904, l’entreprise fait face à la multiplicité des commandes en assurant une production soutenue sur une gamme identique à celle de 1903. Cependant, nous voyons apparaître un nouveau mode de refroidissement des moteurs avec le radiateur à l’arrière de celui-ci et l’allumage par magnéto. Cette disposition restera sur les modèles Renault jusqu’à la fin des années 20.
1905 est une année caractéristique à plus d’un titre, car elle marque un nouvel élan de Renault vers un développement potentiel, les ateliers de Billancourt couvrant à ce jour 22 000 m2pour un effectif de 800 personnes. Cette année, le taxi Renault est inventé, mis au point et breveté pour l’essentiel des dispositions de son châssis. Il passera à la postérité lors de tragiques événements dont nous reparlerons plus loin.
A l’exportation, une première filiale est créée en Grande Bretagne : « Renault Frères Limited », et par la création de 5 agences parisiennes, on assiste à la naissance du réseau commercial, l’entreprise renonçant ainsi à la vente directe.
Au plan sportif, Renault conçoit une voiture aux caractéristiques spectaculaires : 13 000cc, 90 cv, et réalise une nouvelle rentrée officielle sur le circuit d’Auvergne. Les anciens mécaniciens sont devenus pilotes, mais malheureusement, cette nouvelle épreuve ne sera pas un succès, contrairement à ce que l’équipe connaitra l’année suivante au Grand Prix de la Sarthe où François Szisz l’emportera après une course de 1238km en circuit fermé.
Ce succès au Grand Prix de l’Automobile Club de France confortera la réputation de fiabilité des modèles Renault et Michelin sera, à juste titre, associé à ce succès pour la mise au point de ses fameuses jantes amovibles.
De 1906 à 1914 on assiste à la création de 5 filiales étrangères : « Renault Selling Branch » aux USA en 1906, « Renault Automobil AG » en Allemagne en 1907, la « Société Espagnole des Automobiles Renault » pour l’Espagne en 1909, la filiale Hongroise en 1913 et la « Société des Automobiles Renault » pour la Russie en 1914. Comme on peut le constater, l’internationalisation n’est pas une notion récente pour Renault !
Cependant cette période sera marquée par d’importants événements sociaux, les premiers en 1906 pour l’augmentation des salaires et la journée de 8 heures, puis en 1912 et 1913, contre l’introduction du chronométrage. La grève de 1913 dura un mois et demi. A son terme, 436 ouvriers sont licenciés et l’ingénieur chargé de la mise en place du taylorisme quitte l’entreprise.
Néanmoins, la superficie de l’usine atteint 135 800 m2pour un effectif de 3936 personnes en 1913 et avec ce potentiel, Renault développe une diversification sans précédent : véhicules utilitaires et autobus, moteurs d’aviation, moteurs marins, groupes électrogènes, moteurs fixes etc…
Outre cette capacité à tout produire, Renault développe sa gamme de voitures de tourisme par la création, en 1908, de deux modèles d’extrémités : une petite voiturette à 2 places de 8cv, et une voiture de très haut de gamme de 50 – 60cv de puissance.
En 1909, cet apport de nouveaux modèles élargit la gamme de tourisme à 10 modèles de puissances différentes. Un onzième viendra enrichir l’offre à la clientèle en 1911, la 35cv à 4 cylindres de 8,51. de cylindrée.
Il faut ajouter à cette capacité de production le constant pouvoir d’innovation de Renault sur les démarrages à air comprimé et mécanique, de nouveaux types de carburateurs, le graissage automatique, le moteur monobloc etc…
Depuis le 23 mars 1909 et suite au décès de Fernand Renault, Louis Renault est seul aux commandes de l’entreprise dont l’intitulé statutaire est devenu « Société des Automobiles Renault, Louis Renault constructeur ». Sous cet intitulé, Renault aborde le drame de la première Guerre Mondiale.
En 1914, l’industrie automobile française employait 100 000 salariés dont 70% travaillaient en région parisienne. L’usine de Billancourt occupait une place prépondérante en assurant 10% de la production globale de la branche automobile et comptait à son effectif 4970 personnes oeuvrant sur une superficie de 143 600 m2. A l’exception des camions et des moteurs d’avions, rien ne prédisposait Renault à travailler pour l’armée, ses productions étaient axées principalement sur une gamme très étendue de véhicules civils. Cependant, dès les premiers combats d’août et septembre, il apparut clairement que les prévisions de l’EtatMajor, sa doctrine comme ses conceptions étaient largement erronées. La crise des munitions qui fût l’une des causes de la stabilisation du front, après la bataille de la Marne, contraignit le gouvernement à solliciter l’aide de l’industrie privée.
Afin de répondre aux besoins de la guerre, l’usine Renault est un exemple caractéristique de promptitude à la reconversion, mais il lui a été nécessaire, dans l’urgence, non seulement d’organiser industriellement et socialement la vie des salariés dans l’entreprise reconvertie, mais également d’assurer le recrutement massif de main d’ceuvre coloniale et étrangère. En effet, au lendemain de la mobilisation, Renault ne compte plus que 1 200 personnes et le recrutement massif et échelonné permit à l’usine de rétablir un effectif de 22 500 personnes à la fin de la guerre.
L’usine Renault étant une des rares entreprises à se reconvertir immédiatement en usine d’armement, la première exigence était la production d’obus en grande série. Les arsenaux se révélant incapables de couvrir les énormes besoins de l’artillerie au front, Renault proposa à l’administration un procédé de fabrication par décolletage des lingots d’acier.
L’industrie automobile était largement équipée de tour à décolleter, ce qui a permis de réaliser, dans l’urgence, une production importante d’obus communément appelés « bi-bloc ». Ce procédé vit son terme en 1916 pour en revenir à celui de l’ « ogivage à chaud » et le retour à l’obus monobloc fabriqué à nouveau par les arsenaux qui se révélèrent, cette fois, capables d’en assurer la fourniture régulière à destination du front.
Les salariés de Billancourt, concernés de près ou de loin par cette guerre particulièrement sanglante, firent preuve d’un élan patriotique tel que l’usine prit l’aspect d’un « second front ». L’effort général est intense et, pour pallier les contraintes dues à la durée du travail et notamment à la situation des femmes, l’usine met en place une organisation sociale sans précédent : caisse de secours mutuel, coopérative de consommation, restauration, garderie d’enfants et même… monnaies spécifiques Renault frappées à l’usine et valables dans les coopératives et le périmètre commercial de Billancourt.
Dans un premier temps, Renault n’a pas concentré sa production militaire sur l’obus bi-bloc. En effet, l’armée fit grande consommation de voitures de série et de châssis de série recevant des carrosseries spéciales : ambulances, auto-mitrailleuses d’un part, de châssis de camions équipés en auto-canon blindés d’autre part.
Les voies ferrées étant régulièrement détruites par l’artillerie adverse, le général Doumenc imagina, en génial précurseur, l’intérêt d’approvisionner le front en convoi continu par la route. Les progrès de l’automobile aidant et la construction en série de camions de moyen tonnage le permettant, l’idée du général Doumenc se matérialisa au cours des quatre années de combat. Renault contribua largement à l’apport matériel des convois avec ses camions de 3 et 7 tonnes de charge utile.
Une panoplie étendue de matériels militaires sortait quotidiennement des ateliers de Billancourt, on pouvait alors remarquer :
Pour l’artillerie, les tracteurs à quatre roues motrices, et les éléments de canons de 155 à longue portée.
Pour l’infanterie, de nombreux éléments de fusils, et pour l’aviation, une quantité globale de 14 000 moteurs d’avions, assortie de 13 000 avions, type A.R., produits dans les halls d’une nouvelle usine, construite à cette fin, près de la Porte de St Cloud.
Toutes ces productions sont à inscrire à l’actif des énormes capacités industrielles de Renault. Deux faits marquants de Renault lors de la Première Guerre Mondiale se situent chronologiquement aux deux extrémités de l’événement. En premier lieu, la contre-offensive de la Marne en septembre 1914, pour laquelle 1 200 taxis parisiens, en majeure partie Renault, furent réquisitionnés afin de permettre l’acheminement d’une division d’infanterie et de contenir l’ennemi dans un secteur éloigné de la capitale, et l’avènement du fameux char FT en 1917, auquel on attribue une grande part de la victoire. Qu’en est-il de l’aventure de ce célèbre engin blindé ?
A l’origine du char léger, il y a la rencontre de deux hommes : Louis Renault et le général Estienne (photo), dont les « idées char » différaient sensiblement, le premier défendant le concept du char léger alors que le général optait plutôt pour le char moyen. En juillet 1916, les deux hommes se retrouvent et Billancourt n’établit pas moins de 11 avant-projets dont un seul traite du char léger. Ce dernier sera approuvé par le général Estienne en octobre et la commande d’un char prototype est formulée à Renault le 12 décembre 1916.
Cependant, en l’absence de tout souci des drames qui se déroulaient au quotidien sur le front, les ordres et les contre-ordres se multiplient de ministère en ministère et de commissions en réactions personnelles pour enfin aboutir à la décision de construire le char léger, prise par le général Nivelle le 13 avril 1917.
Cependant, en l’absence de tout souci des drames qui se déroulaient au quotidien sur le front, les ordres et les contre-ordres se multiplient de ministère en ministère et de commissions en réactions personnelles pour enfin aboutir à la décision de construire le char léger, prise par le général Nivelle le 13 avril 1917.
Six mois sont ainsi perdus, mais les défenseurs du concept ont enfin satisfaction et la série d’essais du prototype fût menée à bien pour permettre une mise au point définitive de l’appareil et la commande de 1 100 chars aux usines Renault. En juillet 1918, une commande définitive de 7 820 chars léger devait alors se répartir entre 4 constructeurs, 3 940 appareils étant dévolus aux ateliers de Billancourt.
Le premier engagement des chars Renault eut lieu le 31 mai 1918 en aval de Soissons. L’ennemi bousculé par la soudaineté de l’action, due aux performances des chars légers, une victoire éclatante fût portée à la connaissance de Louis Renault par le ministre de l’armement le 20 juin 1918.
Chars FT17 sur le front (FT17 pour faible tonnage 1917). un exemple de concept alliant simplicité et fiabilité © Renault Histoire
A partir du 15 juillet, les chars légers furent engagés en masse sur l’ensemble des champs de bataille et contribuèrent ainsi à la victoire des alliés en novembre 1918.
Afin de répondre à la multiplicité des productions de guerre pendant les quatre années de conflit, l’usine s’est développée aux dépends de la ville, des rues et propriétés contigües pour atteindre, en 1918, une superficie de 365 125 m2sur laquelle travaillent 22 500 personnes. A cette considérable conquête territoriale de Renault, il faut ajouter un développement sans précédent de son potentiel industriel et technique. Cela lui permet, au lendemain de l’armistice, d’envisager l’avenir sans trop d’appréhension. La paix revenue, l’usine de Billancourt se trouve devant un potentiel foncier, immobilier, et industriel gigantesque ! Ainsi, la reconversion s’impose et elle se réalise dans l’immédiat car Louis Renault et son directoire avaient déjà pensé au programme de lendemains de guerre. Lendemains au cours desquels une reconstruction totale s’avérait nécessaire, et notamment celle de l’agriculture.
Pour toute référence à ce texte, merci de préciser : Claude Le Maître, “Petite Histoire d’une première vie de Renault 1898-1944. Première partie”, louisrenault.com, juin 2012
Lire la seconde partie de La Petite histoire d’une première vie de Renault (cliquer sur l’intitulé).
Dernière mise à jour : 22 juin 2012