La réhabilitation de Louis Renault mise à mal par la justice
La campagne médiatique et les invitations complaisantes sur les plateaux de télévision ou de radio n’y ont rien fait. L’entreprise de réhabilitation de Louis Renault par ses ayant-droits a été mise en échec par la justice mercredi. Le Tribunal de Grande instance de Paris s’est déclaré incompétent pour statuer sur leur demande de réparation pour la nationalisation-sanction du constructeur automobile Renault en 1945.
L’association Esprit de résistance, qui se bat contre la réécriture de l’histoire par les hériters de Louis Renault, voit dans cette décision une “première étape positive, et nous nous en félicitons. Toutefois, souligne t’elle dans son communiqué, les enjeux sont tels que les héritiers Renault ne vont pas forcément renoncer aussi simplement. Il convient donc de rester mobilisés et vigilants. A nous de faire connaître la réalité de la collaboration de Renault avec l’occupant, qui lui a attribué un taux de profit supérieur à celui de tous ses autres fournisseurs. A nous de faire connaître aux Français d’aujourd’hui la dure réalité de la répression dans les usines Renault pendant la guerre.”
“Un instrument entre les mains de la Wehrmacht”
Même satisfaction et vigilance de la part de l’avocat de la CGT-Métallurgie, “intervenant volontaire” dans le dossier. Pour Me Jean-Paul Teissonnière, cette décision du TGI “est juridiquement fondée et moralement extrêmement réconfortante”. A ses yeux, attaquer l’ordonnance ayant confisqué à la Libération “ce qui était devenu un instrument entre les mains de la Wehrmacht, revêtait un aspect provocateur”. Le tribunal “n’est pas tombé dans le piège”, s’est félicité l’avocat.
“Un discours révisionniste”
La Fédération nationale des déportés, internés, résistants et patriotes (FNDIRP), “par l’intermédiaire de ses conseils, s’est aussi félicité de la décision rendue par le TGI de Paris”. “On vient nous demander la réhabilitation de quelqu’un qui a vu ses biens confisqués pour avoir collaboré avec l’ennemi… Nous sommes face à un discours révisionniste”, avait vivement riposté Me Alain Lévy, avocat de la FNDIRP, autre intervenant volontaire dans le dossier. Pendant la guerre, “une très grande majorité de la production de Renault est partie à l’ennemi”, l’entreprise n’a apporté aucune aide à la Résistance ni n’a “demandé à ses ouvriers de saboter” l’outil de production, avait-il asséné.
Les héritiers font appel
Aussitôt connue le jugement, les avocats des héritiers de Louis Renault ont annoncé qu’ils faisaient appel. Selon les petits-enfants de Louis Renault, l’ordonnance de confiscation de 1945 ayant transformé Renault en régie nationale est contraire aux droits fondamentaux, de la propriété notamment. Voilà pourquoi ils avaient soumis au TGI une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) contestant la validité de cette ordonnance.
“Le juge de la mise en état a dit le tribunal de grande instance de Paris incompétent pour statuer sur l’action des héritiers Renault et renvoyé les parties à mieux se pourvoir”, indique le jugement rendu mercredi. “Il n’y a donc pas lieu de statuer sur la demande de transmission de la QPC soulevée par les demandeurs”, ajoute le texte.
A l’audience, le 14 décembre, Me Thierry Lévy, avocat des héritiers, avait considéré que la confiscation sans indemnisation des usines Renault avait constitué une “voie de fait” et relevait donc des juridictions judiciaires. Le TGI en a jugé autrement. Pour lui, la voie de fait n’est pas établie et “seules les juridictions de l’ordre administratif peuvent juger” de cette action.
Déjà défaits devant les juridictions administratives
Si la cour d’appel confirme cette incompétence, “nous irons devant le tribunal administratif”, a assuré Me Louis-Marie de Roux, associé de Me Lévy. Mais là aussi, la partie n’est pas gagnée pour les héritiers de Louis Renault. Comme le rappelle l’association Esprit de résistance, “dans la voie administrative, le sujet a déjà été jugé en 1959 et 1961 par le conseil d’Etat et que les héritiers Renault ont perdu”.